« j'veux seulement paraître comme la fille qui illumine la vie des autres. Même si elle n'arrive pas à illuminer la sienne pour le moment. »

Un dernier flash se déclencha, je jetai un coup d'oeil à la photo que je venais de prendre, un sourire se dessina sur mes lèvres. Celui qui veut tout dire. Celui qui signifie, cette photo c'est la bonne. On s'arrête là pour aujourd'hui, c'est parfait. Je les trie, les ajoute à ton book, pour qu'il soit prêt pour demain. Et demain, rendez vous important pour toi n'oublie pas. lui rappelai-je, tout en lui montrant le contenu des photos. On n'oublie pas un rendez vous duquel on va peut être sortir en étant l'égérie d'une marque pour cette saison. Un sourire sur le visage du mannequin avec lequel je venais de finir de travailler, et je lui réponds par un sourire également. C'est ce que j'aime entendre. A demain alors, bonne soirée Maël. Merci Capou, à demain. Mon regard, blasé, se pose sur lui, tandis que mon rire se fait entendre. Il sait très bien la réflexion que je m'apprête à lui faire, c'est à dire: arrêtes avec ces surnoms idiots., mais il s'éclipse en riant avant que je n'ai pu ouvrir la bouche. J'aime mon travail, je m'investis corps et âme dans ce dernier. C'est ce qui me fait vivre, et la complicité qui s'est installée entre les mannequins de l'agence, le personnel et les photographes, fait vraiment du bien au moral, et donne envie de rester travailler plus que prévu. Mais la fatigue me ramène à l'ordre, et je baille légèrement sans m'en rendre compte. Pourquoi à chaque fois que notre esprit commence à se sentir épanoui, notre corps a irrésistible envie de rappeler ô combien l'être humain est factice, soumis à des conditions, des besoins? Je soupire, puis éteins les lumières du studio, emportant sous mon bras mon appareil photo, contenant les clichés de la journée.

Une fois sortie dehors, l'air s'engouffra dans mes poumons. Un de ces détails de la vie qui passe souvent inaperçu, mais qui fait tellement de bien. Se sentir vivant. Se sentir libre. Le ciel prend une teinte orangée en ce soir d'été, et je regarde l'heure. dix huit heures trente. Je pense à mon chez moi, réalisant que je n'ai pas forcément l'envie de rester seule ce soir. Sortir n'était pas non plus dans mes plans, vu la fatigue qui commençait à m'envahir. Je pensais de suite à mon frère, Aaron, qui finissait le travail dans pas longtemps. Le voir me ferait le plus grand bien, et c'est sur cette pensée que je roule en direction de l'aquarium où mon petit frère bosse comme soigneur. Aaron, je tiens à lui plus qu'à ma vie. Et ce, depuis qu'il est arrivé dans la famille. Malgré mon impression qu'il obtenait toujours l'attention de tout le monde parce qu'il était le petit dernier, je ne tenais pas à être vue comme le boulet de grande soeur. Non, je tenais à ne pas le décevoir, à toujours être là pour lui. L'épauler dans les moments qu'il allait passer tout au long de sa vie, là où j'étais déjà passée avant lui. Depuis la mort de notre père, une complicité nous a réunit, et elle n'a cessé de grandir jusqu'à aujourd'hui. Les frères sont les seules personnes qui vous seront fidèles à tout jamais, sans même vous en avoir fait la promesse orale. Parce que cette promesse, elle innée entre frère et soeur. Arrivée au parc, je me dirige vers l'accueil, qui me renseigne sur le lieu où se trouve Aaron. Deux minutes plus tard, je marche en direction d'une silhouette que je reconnaitrais entre milles. Arrivée à son hauteur, je passe ma main dans son dos, pour lui signifier ma présence. Comment va mon petit frère? demandai-je d'une voix douce, dans un sourire.

« j'veux seulement paraître comme la fille qui illumine la vie des autres. Même si elle n'arrive pas à illuminer la sienne pour le moment. »

Immédiatement, le sourire me revint aux lèvres lorsque Aaron se retourna vers moi, et que ses bras m'entourèrent. Il était sûrement l'un des seuls à faire se dessiner sur ma bouche un sourire digne de ce nom, spontané et sincère. Ailleurs, tout était question d'illusion, d'apparences. Un sourire peut cacher beaucoup de choses. Et combien de ressentis avais-je caché derrière celui ci. Il permettait de montrer seulement ce qu'on avait envie que les autres voient. Il me permettait de dissimuler ma rancœur et mon amertume face à ce sentiment que l'on appelle plus communément amour, et de laisser place à ce désir que je vouais à mes proies du soir. Désir qui venait d'un manque bien profond. Désir de combler ce dernier, par tous les moyens possibles. Je vivais avec un manque infini. Le manque d'affection d'un père, après son décès. Même l'amour démesuré de ma mère n'avait pas réussi à le combler. Lentement, je m'étais vue débouler sur la pente descendant directement aux enfers. Tombée dans un trou sans fond, et mon frère, perché tout en haut, vers la lumière, tentait depuis ces années de me sauver et particulièrement, me protéger de la noirceur des abysses. Mon étreinte se fit plus forte encore, la chaleur émanant de son corps me procurant une sérénité sans pareil. Ca va aussi. Puisque tu me le proposes, nager avec ces belles créatures me détendra sûrement plus que l'ambiance d'un bar. Je fis un léger sourire, venant de ma part, refuser de sortir le soir était étrange. Mais ce soir, je n'avais pas envie. Pour sûrement la première fois de ma vie, je demandais un soir tranquille avec mon frère, apaisant rien que par sa présence. Moi qui d'habitude, arrivait à l'entraîner dans toutes sortes de plan foireux en soirée, ce soir peut être, sera-t-il surpris. Après tout, quiconque n'aime pas surprendre? Et puis, une fois n'est pas coutume. Je me recule légèrement, m'écartant de la chaleur qui m'entourait jusqu'à présent. Mon regard se pose sur Aaron, détaillant ses traits, qui me paraissent fatigués. Mes doigts parcouraient ces traits, dans un silence qu'aucun de nous deux ne brisait. En premier lieu, je me dis qu'il était éreinté par la journée qu'il avait sûrement passé, tout comme moi. Mais pas seulement. Le détachement avec lequel il avait prononcé ce ça peut aller me mit la puce à l'oreille. Je te connais par coeur Aaron, tandis que mon regard te sonde, dans tes yeux je peux y lire ton âme et la moindre de tes craintes. Cependant ces derniers temps, j'ai l'impression qu'il y a une zone sombre, que tu caches à mes yeux volontairement. Je fronce les sourcils légèrement, presque imperceptiblement. Cela me blesse en mon for intérieur qu'il ne me parle pas de tout. Mais après tout, chacun à ses secrets. Moi la première. Je finis par sourire à nouveau, comme si je n'avais rien soupçonné. J'attendrais le temps qu'il faut pour avoir de tes confessions, petit frère. Promets moi seulement de ne pas oublier que je serais toujours là pour toi.

« j'veux seulement paraître comme la fille qui illumine la vie des autres. Même si elle n'arrive pas à illuminer la sienne pour le moment. »

Je remarquai le sourire sur les lèvres d'Aaron lorsque je refusai une sortie ce soir.Ce qui me fit plaisir, c'est qu'il se contenta de sourire sans me poser de questions sur le pourquoi du comment. Être entourée de ses bras rassurants et recevoir des gestes de tendresse de sa part ne pouvait me faire que du bien au moral, et cela avait toujours été le cas d'ailleurs. De toute façon, il était le seul homme à qui j'autorisai ces gestes d'affection, et il était pour moi naturel envers lui d'être tendre également. Restant encore quelques secondes dans ses bras, je repensai au fait que si il n'était pas là, si je n'avais pas eu de frère comme lui, je ne saurai comment je serais actuellement. Je serais sûrement encore plus instable, impulsive. Parce que je sais très bien que c'est le seul qui me maintient comme je suis actuellement, sa présence à mes côtés est la seule raison pour laquelle je ne me suis pas descendue plus bas vers le côté sombre de la destruction. Ensuite, je le suivis en direction de la cabine du personnel, pour qu'il se procure des combinaisons à nos tailles. A sa réflexion, je riais, une taille mannequin, tu parles. Je lui frappai l'épaule gentiment en riant avant de rétorquer. T'es bête! Tu connais très bien ma taille en plus, enfin tu es censé la savoir. Je pris ensuite la combinaison qu'il me tendit, avant de me diriger vers la cabine qu'il m'a désigné quelques secondes plus tôt. Mon rire se joint à celui du jeune homme juste avant que je n'entre dans la cabine. Une fois arrivée, j'enfile rapidement la tenue, qui se trouve m'aller à merveille. Je laisse mes affaires dans la cabine d'essayage, m'attache rapidement les cheveux, avant de sortir cinq minutes plus tard. Aaron n'est pas encore dehors, et tandis que je patiente, je me demande si pour mon petit frère, tout va bien. Zooey semble éviter le sujet quand je l'aborde, je soupçonne Beth d'avoir une relation de tout autre nature que celle de protégée avant mon frère, et Cally, n'en parlons pas. Alors à moins que ce soit moi qui délire et me fasse des films, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, et c'est au travers du comportement de mon frère, que je connais par coeur, que mes doutes se confirment. De nature têtue, je ne lâcherai pas l'affaire jusqu'à avoir résolu cette affaire, car dès que des histoires mettent mon frère et son bonheur en jeu, je ne peux m'empêcher de m'en préoccuper. Pour le moment, je laisse le temps faire les choses, si Aaron a le besoin de m'en parler, il sait que je serais là et aucunement à l'origine d'un jugement envers lui. Nager avec les animaux nous fera sûrement oublier tous les tracas et soucis de la journée, voire de la vie, et je suis certaine que cela ne pourrait qu'être bénéfique. J'entends le loquet de la cabine bouger et vis Aaron sortir peu de temps après, son corps parfaitement moulé dans la combinaison. Je ris légèrement. Si les filles te voyaient comme ça, je suis sûre qu'elles tomberaient comme des mouches!

« j'veux seulement paraître comme la fille qui illumine la vie des autres. Même si elle n'arrive pas à illuminer la sienne pour le moment. »

Oh tu sais j’ai pas plus besoin de demoiselles que celles que j’ai déjà… J’ai assez de soucis comme ça pour m’en rajouter une autre couche ! Cette phrase, lancée dans la bonne humeur par Aaron, était un précieux indice sur la présence de soucis avec les demoiselles qu'il fréquentait. J'avais une vague idée sur sa relation avec Cally, il m'en avait parlé à demi mots. Et puis celle avec Zooey, évidemment. Quelque chose me disait que le soucis ne venait plus d'un trio, mais d'un quatuor, une autre personne impliquée donc. Au hasard, Beth ? C'est la première qui me venait à l'esprit. Je préférai faire mine de n'avoir pas compris le sous entendu se cachant derrière ses paroles, car si il souhaitait en parler, il sait que je serais la première à l'écouter. Je le suivis dans le bassin des dauphins, et l'atmosphère avait comme changé. L'eau et les animaux donnaient une ambiance particulièrement apaisante, on en oubliait nos conversations précédant l'entrée dans le bassin. Et voir Aaron évoluer à côté des animaux marins me montrait à quel point il aimait son travail et à quel point il était épanoui là dedans. Si seulement cela pouvait être pareil dans sa vie privée. Je ne savais encore ce qui le perturbait, mais je percevais très bien que quelque chose ne tournait pas rond. Une dispute, des tensions, une rupture, des incertitudes ? Que se cachait-il derrière le mal être dans lequel Aaron semblait être plongé ? Ma bouche n'osait s'ouvrir pour laisser place à un flot de questions, qui m'aurait amené des réponses. Je ne pouvais lui en vouloir de ne pas m'en parler tout de suite. Après tout, si cela concernait Beth, je la savais meilleure amie de Zooey, et étant proche de Zooey, mon avis n'est pas forcément objectif sur la situation. Et puis, au delà de ça, j'avais moi même préservé Aaron de quelques soucis que j'avais pu avoir, pour la simple raison que je ne souhaitais pas voir mon frère impliqué dans ceux ci. Mais, souvent, la complicité que l'on avait acquise depuis notre tendre enfance nous empêchait de tenir notre langue - après quelques regards insistants, on finissait par se confier à l'autre.

Justement, les minutes passées dans l'eau me rappelait cette complicité qui avait toujours existé, et qui se renforçait jour après jour. Une fois le bord du bassin rejoint, un silence s'imposait, sans pour autant devenir pesant. On profitait de cette vue, les animaux jouant entre eux avec sérénité, frôlant nos jambes encore plongées dans l'eau. Je me rendis compte qu'une soirée de ce genre avec Aaron s'était faite rare avec le temps, et j'étais bien contente d'avoir refusé cette fois ci de sortir. Parfois, il fallait seulement replacer les priorités là où il fallait, et se rendre compte de l'importance de certaines choses par rapport à d'autre. Les moments avec mon petit frère étaient essentiels, et je ne pouvais certainement pas le nier. Il était ce que j'avais de plus cher au monde, et malgré mon incapacité à le lui prouver aussi souvent que je le voudrais, je le pensais au plus profond de mon être. La voix douce d'Aaron perça le silence qui nous avait entouré, et je découvris vite le sujet de la conversation. Ecoutes Capprie je… Je crois que je vais rompre avec Zooey… Je l’aime plus et puis… J’ai couché avec Beth… Une de ses plus proches amies et puis… J’ai jamais ressentit ça avec personne d’autre. J’étais heureux putain, heureux et comblé, alors t’en penses quoi ? Je l'écoutai attentivement, tentant de me mettre à sa place en évitant de laisser les préjugés que je pouvais avoir, s'infiltrer dans mes pensées. Ces derniers temps, cela avait été un sujet assez redondant entre nous deux : les relations d'Aaron. J'étais la première à souhaiter son bonheur et épanouissement, mais j'étais aussi la première à le protéger pour la moindre chose, y compris le protéger des autres. Et je ne saurais dire pourquoi, instinct féminin peut être, mais la méfiance que m'inspirait Beth ne me semblait pas être injustifiée. Sûrement parce que je connaissais la nature de sa relation avec Zooey, et qu'ainsi, elle me donnait l'impression de jouer sur deux tableaux. Encore, si je savais si Zooey était au courant des sentiments naissants entre Beth et Aaron, ma méfiance serait peut être moindre, mais j'ai bien dit peut être. Seulement, je n'en savais rien. Zooey elle même était devenue assez évasive sur ce sujet là. Alors, avec les informations que je détenais et mon avis, je tentais d'aider Aaron au mieux, même si une once de tristesse était présente en entendant que le couple -pour moi, parfait- que formait Zooey et Aaron, arrivait à sa fin. Aaron.. Tu sais que je souhaite plus que tout au monde que tu sois heureux. Simplement, fais attention que ce que tu as ressenti puisse durer, pour que tu ne regrettes rien dans ta décision, tu vois ? Et par rapport à Zooey, comment tu comptes aborder les choses? A moins qu'elle en sache déjà une partie ? En ce moment elle reste vague sur le sujet lorsque j'ose l'aborder. J'essaie d'avoir un ton apaisant et prudent, pour montrer à Aaron que je veux simplement qu'il soit sûr de ses choix, afin d'éviter aux personnes impliquées d'être blessées à tort. Et je me rends compte à quel point, le lieu et l'ambiance sont source d'un calme en moi, car étant assez lunatique, je ne sais si en un autre lieu, à un autre moment, j'aurais été si calme face à cette révélation.