It could be worst. ♪

Cela faisait combien de temps qu’il était arrivé en Arizona maintenant ? Il ne comptait pas vraiment les jours, ni les heures, en fait. Bien sûr, il se rappelait parfaitement qu’il était arrivé dans cette ville durant le mois de Janvier, un lundi. & on était en quelle année ? 2012. Ouais, bon, okai. Cela faisait maintenant un an qu’il était arrivé dans cette ville. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il connaissait par cœur l’Arizona, étant donné que ce n’était pas le cas, mais alors vraiment pas. Il avait passé toute son année dans un institut pour des narcotiques. Il détestait son agent de l’avoir envoyé là dedans. « C’est pour ton bien mon garçon. » & mon cul, c’est du poulet ? Il savait parfaitement que tout ça ce n’était qu’une question de business, qu’une question d’argent. Il savait parfaitement que son agent l’avait envoyé dans cet institut simplement car il avait peur de l’image que le jeune homme pouvait offrir à ses fans. Quoique dans le fond, il n’avait peut-être pas tort. Voir un jeune homme boire de l’alcool en prenant des narcotiques & courir ensuite dans un champ en criant le nom de son cheval … Ouais sincèrement, ce n’était vraiment pas une bonne image qu’il offrait de lui. Mais il s’en foutait. Mais alors à un point que vous ne pouvez même pas imaginer une seule seconde. Pourquoi avoir prit des narcotiques ? La première fois, il se rappelait parfaitement le pourquoi. Une dose de narcotiques, une dose de somnifères, de la coke, de l’alcool & BAM, overdose. Une tentative de suicide ? Bravo, vous êtes intelligents, en fait. Mais bien évidemment, celle-ci n’avait pas fonctionné. Il s’était retrouvé dans un pieu, les murs bougeant autour de lui, ne se rappelant pas pourquoi il était dans cette chambre d’hotel. Tout individu convenablement constitué aurait sans doute appelé les urgences, mais lui non. Il s’était habillé rapidement, enfin du moins il avait tenté, était sortit en titubant, avait payé & était retourné au ranch. Ce qu’il avait expliqué ? Une soirée bien arrosée. Il était un bon enfant, alors bien sûr on l’avait cru.

Mais bien sûr, il savait parfaitement la vérité. Il savait parfaitement qu’il avait voulu se tuer. Il se rappelait s’être mis à la fenêtre, sur le balcon. Il se rappelait avoir rêvé pouvoir voler, pouvoir jouir du bonheur de survoler les monts & sommets. Il se rappelait parfaitement qu’on l’avait retenu & fermé à double tour la fenêtre. Il avait hurlé, frappé la personne … Dont, il ne se souvenait ni du visage ni du nom. « Prend soin de toi, bonhomme. & évite de vouloir de nouveau voler. Je ne serai peut-être pas là pour te retenir cette fois. Bonne chance. » Aidan avait retrouvé ce papier dans sa poche quand il avait prit sa douche ce jour-là. Ce qu’il avait fait ? Il l’avait jeté. Mais quand il y repensait dorénavant, il se demandait s’il n’avait pas fait une bêtise. Peut-être avait-il jeté le seul signe qu’un ange le guidait ? Mais bon, le passé c’est le passé, il ne peut plus rien faire dorénavant, malheureusement. Un soupir passa les lèvres d’Aidan tandis qu’il se levait difficilement du lit où il se trouvait. Un hôtel. Encore une fois. En même temps, que voulez-vous ? Quand on a pas encore de chez soi, on ne peut pas vraiment faire autrement, malheureusement. Quoique, dans le fond, il s’en moquait pas mal. Un hôtel ou une maison à soi, c’était un peu la même chose d’après lui. A une chose près : l’hôtel ne nous appartenait pas. Le jeune homme marcha quelques mètres pour ensuite aller ouvrir rapidement les rideaux. Il s’attendait à ce que le Soleil vienne brusquement inonder la pièce, mais au lieu de cela … Le rayon lunaire vint pénétrer rapidement son antre. Bordel ! Il avait dormi combien de temps au juste ? Bonne question. Depuis que l’institut l’avait laissé partir, il ne se rendait pas vraiment compte du temps qui passait, ni du temps qu’il dormait. Un regard sur les deux bouteilles qui jonchaient sur le sol. Ainsi que sur le corps féminin qui dormait sur son lit. Bon bah … Il avait encore bu & baisé. Ouais, il était vraiment devenu quelqu’un de totalement différent. Quelqu’un qui n’avait absolument plus rien à perdre.

Aidan alla rapidement dans la salle de bain. Se prit une rapide douche, s’habilla d’un T-shirt simple mais moulant, un jean levi’s & se passa un coup de peigne. Bon, il faisait un peu moins débrayé c’était déjà ça. Finalement, il jeta deux billets, pour payer la chambre d’hôtel, sur le lit & sortit de la chambre sans un bruit. Un connard ? & il assumait parfaitement, pensez-vous bien. Il sortit de l’hôtel & marcha tranquillement dans la rue, sans faire bien attention aux personnes qu’il bousculait quelques fois. Il n'avait qu'un but en tête actuellement : bouffer. Ouais, non sincèrement. Il avait vraiment la dalle. Un regard bref sur sa montre & il eut un sourire de satisfaction. Bon il était dix neuf heures, alors il avait encore le temps de pouvoir passer dans son restaurant favori. Enfin restaurant, c'était plutôt un fast food. Bref. Le jeune homme pressa rapidement le pas & marcha vers Pet's fish & chips. Il entra rapidement dans celui-ci & alla passer sa commande. « Ce sera prêt dans dix minutes, monsieur. » Aidan hocha alors la tête pour sortir du fast food & s'allumer rapidement une cigarette. La tête lui tourna légèrement. En même temps, c'était un peu normal : c'était sa première clope de la journée. Finalement, après avoir jeté son mégot, il alla prendre sa nourriture, s'installa à sa table & commença à manger. Soudain, une personne vint s'asseoir à sa table. Bon, il n'avait rien contre cela. Mais merde, il n'y avait personne ce soir. & en plus de ça, on venait squatter avec lui, alors qu'il voulait être tranquille. Il poussa un profond soupir, & mangea.

Dimanche. 15 heures. Assise en tailleur dans un lit trop grand, trop vide et trop froid, j’ai les idées plus claires qu’à l’accoutumée. Les souvenirs sont encore vivaces alors que je relis pour la quatrième fois au moins, le message laissé par Edwin. Il m’a abandonné pour mon frère. Il m’a laissé seule dans un hôtel où je n’avais jamais voulu mettre les pieds pour répondre présent à l’appel de Lloyd. Certes, rien d’étonnant à cela. Leur amitié est indéfectible. Toutefois, je suis outrée. Vexée de déchiffrer dans sa plume des remerciements avilissants et une conclusion qui ressemble à une rupture. Comme si j’avais besoin qu’il me rappelle que nous ne sommes rien l’un pour l’autre. Comme si j’étais une gourde qu’il faut recadrer pour avoir la paix. Ce type est le mec le plus ignoble qu’il m’a été donné de rencontrer. Il a renversé la vapeur dans un « demain » qui n’existait pas finalement. Il m’a bernée. Il m’a trompée. Il m’a réduite à l’image tant redoutée de prostituée de luxe. On les amène à l’hôtel, on les baise puis on les quitte en réglant l’hôtel et en prévoyant le taxi pour les ramener. C’est dégradant. Troublant. Un coup de poing en pleine figure. Une balle de magnum en plein cœur. C’est un coup bas et je sais que je ne lui pardonnerai pas. J’avais peur d’en tomber amoureuse pour cette tendresse jugée authentique qui, aujourd’hui, m’apparaît sur-jouée. Edwin m’a abusé. Lloyd m’avait prévenu. Lloyd me l’avait dit et triste est d’admettre que j’aurais dû l’écouter. Je me serais évité la désagréable sensation de n’être rien d’autre qu’une idiote. Je me sens sale à présent. Sale de lui mentir et de le trahir. Sale d’avoir été si crédule et si stupide. Sale et mais également dégoutante. Dégoutante d’avoir fait don de ma fierté à un homme qui l’a malmenée. Dégoutante d’avoir négligé mes projets de fuite prématurée dans le courant de la nuit pour avoir cru à des mots factices. Je le déteste. Je le déteste, j’en pleure et je me hais. Je hais ma fragilité et mes sensibleries. Je hais mon orgueil qui m’empêche de me moquer de son comportement indigne de moi. Alors, je décide de noyer mes larmes dans une douche méritée. Une douche qui me lavera des relents de son parfum qui traînent encore sur ma peau. Une douche qui étouffera les insultes ronflantes dont je le gratifie avec rage. Une douche qui me débarrassera de lui et des souvenirs.

***

Dans mes petits souliers, j’ai quitté l’hôtel en évitant soigneusement la réception et j’ai, par la même occasion, fait fi de son odieuse attention. J’ai commandé un taxi moi-même et sur le trajet de retour, ce qui devait arriver arriva. Ses grands yeux s’étaient imprimés à mon esprit. Ses caresses et mes soupirs également. Pour ça aussi, je lui en veux. Je lui en veux du pouvoir qu’il a sur moi et sur ma raison. J’ai donc commandé au chauffeur de me déposer chez Emy qui m’ouvrit sans un mot pour retrouver son lit. Je me suis changée et je suis partie. J’aurais pu rentrer chez moi mais je n’en avais pas envie. Aujourd’hui, affronter le regard de Lloyd me serait pénible. Mes mensonges me collent désagréablement au corps et je ne connais qu’un seul moyen d’oublier : Aidan. Aidan et ses penchants pour la drogue. Aidan qui me fournit en coke et autres substances illicites dans le plus grand des secrets. Avant aujourd’hui, il ne m’est rarement venu à l’idée de me poudrer le nez en pleine journée. Ça me semble inévitable pourtant. J’ai donc récupéré mon téléphone dans ma poche pour l’appeler. Messagerie. Je n’ai pas laissé de message. Lui et moi n’avions que peu de choses à nous dire finalement. Je retenterai ma chance plus tard. Vers 20 heures peut-être. En attendant, je meurs de faim et je me dirige machinalement vers un petit resto sans prétention où les moelleux au chocolat sont délicieux. Parfait pour soigner les déceptions en tout genre. Même à 19 heures. En chemin, j’ai fumé plus de cigarettes qu’il n’en fallait. J’étais nerveuse. J’étais contrariée. J’étais déçue. Frustrée. J’étais à des kilomètres de moi.

En pénétrant dans le restaurant aux allures de fast-food, j’ai d’abord commandé une douceur sucrée pour mon palais avant de jeter un regard circulaire et curieux sur l’assemblée de clients. J’ai salué quelques connaissances quand, plateau à la main, je reconnus l’ancien cavalier en proie avec une fan un peu casse-pied. Je l’observai quelques instants afin de déterminer s’il était intéressé ou non – loin de moi l’envie de li briser son ticket pour une chaude nuit – et j’en conclus, par sa mine défaite, qu’elle le dérangeait plus qu’autre chose. Je me suis donc approchée en catimini, espionnant les propos presque hystérique de la groupie. Elle voulait qu’il confirme son identité. J’ai trouvé ça diablement amusant mais, j’ai choisi de le libérer du pot de colle pour servir mes intérêts. Je ne suis pas d’humeur magnanime. Pas davantage agréable. J’ai donc pris place à la table en saluant l’homme et sa comparse : « Je suis désolée JIM ». Jim. J’ai insisté pour offrir plus de poids à mon mensonge. Premier prénom qui m’est venu à l’esprit, exception faite d’Edwin, évidemment. « Je suis en retard. Je suis désolée. J’ai un souci avec la voiture. Tu me présentes ton amie ? » demandais-je en adressant à l’intruse un sourire que j’ai voulu bienveillant.

Mal à l’aise, la demoiselle s’est excusée et a pris congé. Elle l’avait pris pour quelqu’un d’autre. Moi qui n’ai jamais été intéressée par le monde équestre, j’avais bien du mal à comprendre la célébrité qu’il soulève sur son passage pour les férues d’équitation. Tout ce qui m’importait chez le jeune homme, ce sont ses relations et... point non négligeable, son corps d’Appolon. « On dit Merci en général. Tu tires une de ses têtes. Je te soupçonne une soirée difficile et un réveil qui l’était encore plus. J’ai envie de te dire bienvenue au club. Mange du chocolat. Ça te fera du bien. » lui conseillais-je en lui adressant un sourire. J’aurais pu, à brûle pour point, en venir directement au fait mais, c’était délicat. Délicat et déplacé. En public, il est des mots qui ne devraient jamais être prononcés.

It could be worst. ♪

Avez-vous déjà vécu une vie de personne célèbre ? Vous êtes vous déjà demandé ce que peuvent subir ces dernières ? Avez-vous déjà imaginé à quel point une telle vie peut être énervante quelques fois ? A mon avis, non. Puisque vous faites sans doute parti de ces personnes qui lisent « Public ». Qui jugent sans connaitre. Vous imaginez sans doute tous les privilèges que la célébrité offre. Vous imaginez sans doute à quel point une telle vie peut être jouissive. Oh bien sûr qu’elle peut l’être, il faut l’avouer tout de même. Les avantages fiscaux, les avantages onéreux. Mais il n’y a pas que cela. Dans une telle vie, vous devez constamment vous cacher, vous devez sans arrêt courir pour ne pas être vu. Vous ne devez surement pas aller dans la rue sans lunettes ou casquette sur la tête, de peur d’être reconnu par n’importe qui. Les fans ? Ils peuvent tout aussi bien vous sortir de la merde que vous y enfoncer davantage. Ne pensez surtout pas que vous pouvez vivre d’amour & d’eau fraiche lorsque vous êtes célèbre. Ce ne sera jamais le cas. Se cacher, fuir, ne parler à personne de son identité, mentir, ne pas se dévoiler, ne pas s’attacher. Voilà, la vie qu’il avait pu avoir lorsqu’il avait encore Gossip. Mais en allant en Arizona, Aidan avait pensé qu’il aurait pu avoir une vie bien meilleure. Une vie tranquille. Malheureusement, il s’était trompé. Il devait toujours se cacher. La preuve avec cette gamine qui le suivait partout, cette gamine qui lui posait des questions plus débiles les unes que les autres. Bien entendu, s’ils avaient été dans un endroit plus calme, le jeune homme aurait sans doute consenti à répondre à ses questions. Mais ici, dans ce restaurant, il ne pouvait se le permettre : de peur d’être découvert. Il était venu en Arizona pour y découvrir la tranquillité & voilà qu’on venait l’agresser limite quand il commandait un diner. Il n’avait qu’une seule envie : l’éclater contre un mur. Lui balancer son plateau. Mais il ne le ferait pas. Première règle : ne jamais décevoir un fan.

Une voix. Un nom inconnu. La fan qui s’en va. Le jeune homme brun releva alors le regard en entendant une voix qu’il connaissait par cœur. Une voix qu’il reconnaitrait parmi milles puisqu’il l’avait entendu depuis un an. Une voix qu’il savait parfaitement à qui elle pouvait appartenir. Sheena. Cette jeune femme faisait partie de celles à qui il offrait tout & n’importe quoi d’illégal. En plus d’avoir un visage adorablement beau, des yeux magnifiques, elle était intelligente. Beaucoup de personnes disaient que la drogue limite votre capacité mentale, mais chez elle, cela paraissait purement impossible. Tout simplement car elle était toujours aussi intelligente & maligne qu’auparavant. Elle avait osé mentir pour lui. Elle avait osé lui inventer une identité toute à fait imaginaire. Une chose que peu de personnes pouvaient faire pour lui. Une gentillesse ? Il ne savait pas vraiment, tout ce qu’il pouvait savoir c’est qu’elle avait fait sans doute cela par courtoisie, par politesse. Car depuis le nombre de mois qu’ils pouvaient se connaitre, elle savait parfaitement qu’il haïssait ses fans depuis sa chute. Pourquoi ? Tout simplement car au lieu de le soutenir, ils sont tous partis les uns après les autres. Ils avaient imaginé que c’était la faute du cavalier : ce qui était sans doute le cas. Puisque c’est souvent la faute du cavalier quand une chute à cheval se produit. Cependant, ils auraient pu rester, non ? Quoique bon … Il ne pouvait pas leur en vouloir. Il était parti en couille toute de suite après sa chute, voilà sans doute la raison pour laquelle ils avaient tous disparus. Sheena ne faisait pas partie de ces personnes, il le savait. Il savait aussi qu’elle n’avait jamais suivi sa vie équestre, qu’elle n’avait jamais rien su de lui avant qu’elle ne le rencontre. Au départ, il avait fait comme avec toutes les jeunes femmes, jolies qui plus est, qu’il rencontrait : il s’inventait une vie, une identité, un métier. Puis, au bout de quelques mois, il avait fini par avouer la vérité à Sheena. Bien sûr, elle l’avait prit mal. Bien sûr, elle n’avait pas aimé le mensonge, mais elle avait finit par le comprendre. & pour cela, il ne pourrait jamais la remercier assez.

Finalement, il posa son regard vert sur la jeune femme. La fixant pour le moment, sans rien dire. Puis finalement, il osa. Un petit sourire apparu sur son visage tandis qu’il hochait la tête machinalement.

« Réveil difficile ? Je confirme. Je me rappelle plus de grand-chose, à part que je me suis retrouvé ce matin dans un pieu avec une jolie brune & plusieurs bouteilles sur le sol. Une cuite & une baise conséquente, je pense. & toi ? Même chose, ou simplement déboires féminins avec un jeune homme qui t’en fait voir de toutes les couleurs ? »

Oui, il était au courant pour Edwin. Sans doute, en avaient-ils parlé lorsqu’ils étaient ensemble tous les deux. Sheena & Aidan ? Il ne s’était jamais rien passé de déplacé entre eux. Sans doute était-ce mieux ainsi … Car une véritable amitié pourrait naitre de cela. Enfin, il l’espérait.

« Mais merci tout de même. Pour ton sauvetage inespéré & ce chocolat. »

Un second sourire tandis qu’il prenait un bout de chocolat & le mettait dans sa bouche. Le goût sucré présent dans sa bouche réveilla rapidement tous ses sens, il se sentit presque revivre.

Décidément, le hasard répond à tous mes caprices. Qu’il s’agisse, la veille au soir, de mon tête à tête fortuit avec Edwin ou de ma rencontre inattendue avec Aidan cet après-midi, il fomente pour m’offrir tout ce dont j’ai besoin. Mon « dealer », j’’avais vainement tenté de le joindre un peu plus tôt. Il n’avait jamais répondu. Et pourtant, alors que je souhaitais simplement guérir ma frustration dans un fondant au chocolat – pour rappel, j’ai été lâchement abandonnée dans une chambre d’hôtel – je tombe nez à nez avec le jeune homme. En prise avec une fan collante et envahissante, la situation du cavalier m’amusa un instant. Aussi, à sa mine défaite, je décidai de lui venir en aide par un mensonge. Je me présentai comme un probable rendez-vous et, la guêpe, pas folle, s’est envolée sans demander son reste. Bien sûr, j’étais fière de moi. Fière de ma petite entreprise. Elle le libéra de la curiosité oppressante de cette demoiselle aux traits ingrats et je m’installai donc en face de lui, sourires et railleries au bord des lèvres. D’un ton badin, je réclamai des remerciements que j’estimais mérités et, sur le ton de la conversation, je lui fis gentiment remarqué qu’il semblait en piètre forme.

Un autre aurait pu se vexer. Pas Aidan. Il avait une dette envers moi. Il m’a menti longtemps sur son identité. Or, je déteste ça. De nature authentique – du moins si l’on me fait bonne impression –, je ne supporte pas qu’on me trompe ou qu’on m’abuse. Dès lors, si je suis parvenue à lui pardonner avec tant de facilité, c’est qu’à force d’arguments probants, il m’a convaincue. Depuis, nous entretenons une relation anormalement saine, basée sur la confiance et la franchise. Je n’irais pas jusqu’à prétendre qu’il est mon meilleur ami. Néanmoins, j’ai de l’estime pour ce jeune et surtout, j’apprécie sa compagnie. Peut-être un peu trop d’ailleurs. Quelques fois, dans mes périodes de remise en question, il m’arrive de lui confier mes déboires avec les hommes. Edwin n’a pas fait exception, si ce n’est que j’ai savamment caché son prénom. Je ne pouvais pas prendre le risque que Lloyd, informé par une rumeur, découvre la vérité sur ma relation, aussi peu engagée soit-elle, avec son meilleur ami.

Quoiqu’il en soit, de bonne composition, Aidan répond à ma question sans vraiment m’étonner quant à ces activités de la veille. A peu de choses près, elle ressemblait à la mienne et j’en souris. Un sourire amusé qui s’effaça sous le poids de sa question. Qu’aurais-je bien pu lui répondre. Je n’avais aucune idée de la cause exacte de cette palpable frustration qui me sert l’estomac depuis mon réveil : Le départ d’Edwin ? Le sentiment que notre nuit torride était belle et bien la dernière cette fois ? La sensation de lui être totalement indifférente ? La honte d’être devenue la proie des ragots des femmes de chambre et du réceptionniste ? Ou cette désagréable envie de le revoir dès le lendemain, le surlendemain et le jour d’après pour qu’il m’abîme encore et encore ? Devant ses questions inquiétantes pour mes habitudes – et principalement sur mon cœur – j’ai soupiré une bonne fois, avalant une grosse cuillère de ma friandise en chocolat. J’ai même posé ma tête sur ma main libre en fixant mon interlocuteur des yeux : « Franchement, je ne sais pas quoi te dire. On dira que c’est un peu des deux » conclus-je en jetant un coup d’œil vers l’assemblée. « Je l’ai vu hier. Tu sais, l’inconnu. J’ai même passé la nuit avec lui. Ce matin, il était parti non sans avoir pris le temps de m’écrire un petit mot. » lui contais-je un peu lasse. « Un petit mot où il me conseille de tout oublier. Pffff, comme si c’était la peine de me le préciser » ajoutais-je en levant les yeux au ciel.

En réalité, je jouais la comédie. J’essayais de donner le change en me prétendant capable d’oublier un homme comme Edwin. C’était faux cependant. De mon réveil à cette entrevue, je n’ai pas cessé de penser à lui. Quelque fois, quand je ferme les yeux, je me rappelle de la caresse de ses mains sur ma peau. Je sens encore son parfum dans mon cou et sa bouche sur mes lèvres. Je ne doutais pas que mon interlocuteur remarque un émoi si rare de ma part. Je ne serais d’ailleurs pas surprise qu’il me charrie sur le sujet. Alors, j’ai anticipé. « En fait, j’ai besoin de me changer les idées, si tu vois ce que je veux dire » J’en étais certaine d’ailleurs. « J’ai même essayé de t’appeler tout à l’heure. Tu sais ce qu’on dit, le hasard n’existe pas. Alors, je me dis que tu as peut-être quelque chose pour moi... en dehors de ta compagnie pour la soirée si ça te tente ». Je m’étais rapprochée de lui comme le font les fomenteurs qui prévoient un mauvais coup. Nul ne devait entendre ce que j’avais à lui proposer. Mes plans n’étaient ni respectable ni recommandable.