« Mademoiselle, le jeune homme vous attend.» Je sursautai, et bondis de mon lit à baldaquin sur lequel je m'étais étalée. Je regardai Maria, d'un air d'interrogation. C'était la "bonne", celle qui m'avait élevée après avoir élevé ma mère. Elle était vieille, ses cheveux blancs et fins comme des fils, ainsi que ses rides le confirmaient. Elle devait probablement être la seule personne à connaitre autant ma vie. Elle avait l'air inquiet, et je la regardai fixement. «C'est quoi le problème? Fais le entrer bordel! » Ah oui. Un de mes principal défaut: je devenais facilement haïssable à partir du moment où je paniquais, où je perdais le contrôle. Dans ces moments-là, je me détestais mais c'était plus fort que moi, je n'arrivais jamais à garder cet air froid et indifférent qui inspire le respect. Non, avec moi, c'était pétage de plomb direct, avec cassage de tout ce qui me passait par la main. Mes yeux restent fixés sur le visage ridé et pleins de cicatrices tandis que la servante baisse les yeux au sol marbré. « Je vais le chercher.» Je jetai un regard à l'immense miroir qui planait dans ma chambre, qui aurait pu tout au moins servir de salon pour certaines familles de la classe moyenne. A cet instant précis, je me trouvais laide: trop blonde, trop mièvre, trop angélique, trop maigre, trop tout. Mais en même temps, pas assez séduisante, pas assez sexy, pas assez adulte dans un sens. Ces instants de doute, très courts mais pourtant si fréquents me prenaient dès que j'entendais ses pas ou son prénom. On toqua à la porte, et je retournai violemment mon visage pour apercevoir John. Toujours aussi parfait. Il se tenait là, négligemment contre la porte, les mains dans les poches, comme d'habitude. Sauf qu'il affichait un air légèrement-voir excessivement- nerveux. Il était crispé, mais j'attendais quand même qu'il se rapproche un minimum pour me toucher. C'était trop demander ou quoi? Plutôt oui, puisque monsieur ne daigna pas bouger d'un millimètre. Je me forçai à garder mon calme, à rester enjouée comme à chaque fois que je le voyais. Je le regardai fixement tandis que son regard demeurait fuyant. Okay, il commençait clairement à me gaver là. « Bah vas-y, balance ce que t'as à dire je sais pas. T'as quand même réussi à foutre Maria mal à l'aise, tu lui as dit quoi? » Il s'obstinait à garder le silence cet enfoiré. J'osai approcher de lui, tremblante. « Putain mais dis ce qui va pas! Dis le, sois un homme!» J'avais crié, et m'étais jetée sur lui pour le tirer violemment afin de le faire réagir, mais il restait mou, jusqu'à ce qu'il me prenne brutalement le poignet pour m'arrêter. Il me jeta un regard glacial qui m'acheva. « Tu vas te calmer Daphné.. J'en peux plus, voilà c'est fini. C'est exactement pour ça que c'est fini. T'es..je peux plus supporter. C'était ce que j'avais à te dire. Enfin merde, tu te rends compte que t'es qu'une chieuse invertébrée? Une meuf qui fait des caprices environ toutes les 24 minutes? Une meuf qui laisse vivre personne d'autre que son égo? Tu me fais honte.Sérieux, j'en ai ras le cul, je me casse. » Je m'immobilisai, pétrifiée. Puis, prenant conscience de la réalité des choses, je m'étais remise à me jeter sur lui pour le ruer de coups, tout en gueulant comme une désespérée. «Tu peux pas me faire ça..Espèce de salaud, t'as pas le droit ! Y'a une autre fille c'est ça? Mais dis le, dis le ! C'est pas moi le problème, c'est toi, je te déteste! Tu peux pas m'abandonner..» Je sanglotai tout en murmurant cette phrase et en m'étalant par terre, comme une catin, une pute à ses pieds dont il voulait absolument se débarrasser, car trop envahissante. C'était moi. Mes larmes étaient brulantes, douloureuses et coulaient doucement le long de mes joues avant de s'écraser vainement. John était parti, sans un mot, m'enjambant afin de pouvoir sortir tranquillement et baiser toutes ses putains qu'il se faisait dans mon dos depuis des mois.

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«Sérieusement, vous êtes genre, faits l'un pour l'autre, alors fonce.» J'avais souri tout en tirant une taffe de ma cigarette. Ouais, ça faisait déjà un moment qu'ils se tournaient autour, alors merde, qu'on en finisse! Ilias préféra baisser les yeux timidement tout en continuant à mélanger son café depuis une vingtaine de secondes déjà. Le pauvre, il était tout gêné. J'avais envie de le secouer mais me contentai de regarder au loin les gens passer, suivre un trajet qu'ils devaient faire au quotidien. Ce que la vie était chiante. A vingt-cinq ans, je me retrouvais là, à Phoenix, à prendre un café avec un ami, et à lui donner des conseils en matière de filles, comme une vieille qui avait tout vécu. Les mois qui suivirent cette douloureuse rupture avec John avaient été un véritable enfer pour moi, et avaient marqué un tournant dans ma vie. Après avoir plongé dans l'anorexie, j'avais finalement décidé de tout quitter, tout plaquer. Quitter Londres était une obligation, quitter ma famille, mes amis, bref, tout ce qui me rattachait d'une manière ou d'une autre à cet homme à qui j'aurais donné ma vie, dès l'âge de vingt ans. J'avais vraiment été une gamine à cette époque-là, je m'en rendais compte aujourd'hui, tout en ayant conscience que si c'était à refaire, j'y replongerais sans une once d'hésitation. Maso la fille. Pauvre fille. Alors j'avais quitté l'Europe et m'étais réfugiée à Phoenix pour m'isoler de mon passé, et entamer des études de littérature. Les études supérieures n'étaient pas une obligation pour moi: mes parents, plus qu'aisés, m'envoyaient régulièrement tout l'argent que je souhaitais, de ce point de vue là, je n'avais aucun souci à faire. Non, les études étaient là pour remplir mes journées et rencontrer du monde dans une ville dont je connaissais quelques informations via google (et wikipédia plus précisément). Plus pour faire joli qu'autre en un sens, mais je me connaissais suffisamment pour savoir que glander à pleins temps et par conséquent rien foutre, c'était vraiment pas pour moi. Finalement, Ilias releva les yeux vers moi d'une manière tellement enfantine que j'avais envie de le serrer très fort contre moi, comme un enfant de quatre ans qui comprend qu'il est cerné. « Je suis trop paumé..J'ai tellement peur de me faire tej. » Je soupirai et levai les yeux au ciel tout en posant ma main contre la sienne. Je détestais qu'on me pose vingt mille questions et surtout, qu'on remette en doute mes jugements. Et puis, il pouvait pas me faire confiance un peu? C'était oppressant à force. « Sois pas relou, et crois-moi pour une fois, ça me ferait plaisir. » Finalement, je réussis à décocher un sourire de la part de ce beau blond que j'avais rencontré dès mon arrivée en ville. « Okay c'est bon, je te fais confiance. Et sinon, toi? Toujours personne en vue? » Son sourire perdu et adorable s'était transformé en un sourire moqueur. Ce mec savait comment me faire chier, et l'usait dès qu'il en avait l'occasion, le salaud. L'amour. Je ne voulais plus entendre parler de cette merde, pas après ce que je m'étais pris dans la gueule, c'était désormais tabou chez moi. Autant j'aimais m'occuper des affaires des autres, autant je détestais mettre en pratique les conseils que je donnais. Je n'attendais plus rien de la vie, de ce coté-là, même si j'avais le don de tomber amoureuse plus facilement que je n'acceptais de l'avouer. «Ta gueule! Sinon ton petit délire avec Maïa, je le fais foirer, et tu sais que j'en suis capable. Alors chut bébé, chut, je veux une obéissance totale, avec en prime un petit baisage de pieds si possible, tu seras mignon.»