« Tu le diras à maman, hein ? Tu n'oublieras pas ? » La fillette, un doigt dans la bouche, l'innocence même au fond du regard, hocha la tête. En bas. En haut. En haut. En Bas. Non, elle n'oublierait pas. Oui, elle dirait à maman que papa ne rentrerait pas à la maison ce soir là. Ni même le lendemain. Ni le suivant. A vrai dire, papa ne rentrerait plus. Un sourire triste accroché aux lèvres, c'est avec une certaine crédulité qu'il l'annonça à sa fille. Avec douceur, il s'était accroupi devant elle pour lui annoncer son départ imminent. Pourtant, du haut de ses quatre ans, le regard de Chenault se faisait fuyant. Distraite. Non loin, le vent poussait nonchalamment une balançoire dont le siège, désespérément vide, ne cessait de l'appeler. Criii. Silence. Criii. Silence. Criii... Les chaines, usées par le temps ne cessaient de la supplier et la petite Lincoln, impatiente, finit par céder à l'appel du jeu. « Papa, je peux y aller ? S'il te plaît ! » L'homme jeta un œil emprunt de lassitude à la vieille balançoire malmenée par les assauts répétés du vent, soupir, attrapa sa fille par la main et l'aida à se hisser sur le siège. Puis, pour la dernière fois, il se plaça derrière elle et la balança. Plus haut. Encore plus haut. Toujours plus haut ! Le rire cristallin de Chenault résonna, perçant aisément le cri déchiré d'une brise devenue ardente. Et son rire s'intensifia encore, tandis qu'elle prenait de l'altitude, s'envolait plus haut. Encore plus haut. Toujours haut. « Stop ! Papa stop ! » L'insouciance avait céder sa place à la frayeur et papa, compréhensif, arrêta de pousser. La fillette se remit à rire tandis que les balancements répétés du jeu se faisaient moindre. Bientôt, elle s'immobilisa. Sautant à terre, la petite Lincoln se retourna. La morsure du vent se faisait douloureuse. Il était temps de rentrer à la maison. Mais à l'endroit où se tenait son père une minute plus tôt, l'enfant ne trouva qu'une place vide. « Papa ? » Le cœur de Chen' se serra, mais un nouveau sourire apparu sur ses lèvres, soudain enchantée par la partie de cache-cache que son papa lui proposait. Alors Chenault chercha. Elle chercha. Une minute. Puis deux. Puis trois. Elle regarda derrière le banc, fouilla sous le buisson. Elle leva les yeux au sommet d'un arbre, fouilla le toboggan de fond en comble. Mais elle ne le trouva pas. Alors la fillette s'immobilisa au milieu du parc, un doigt dans la bouche, la tristesse même au fond du regard, quelques larmes glacées visitant délicatement ses joues.

que signifie le terme d'amour pour ton personnage ? → L'amour ? Chenault n'y croit pas. Et pourtant, il lui est tombé dessus. Pendant longtemps, ce sentiment est resté dépourvu de sens à ses yeux. Abandonné par son père, délaissé par sa mère, elle s'est donné pleinement, complètement à ceux - ou plutôt 'celles' - qui l'acceptaient tel qu'elle était, sans fard ni artifice. Et alors, ce n'était pas de l'amour. Un simple attachement - profond -, un appel à l'aide, une requête. 'Qui m'aime me suive'. Elle est ainsi... Distraite, désordonnée. Elle apprécie la compagnie de ceux qui l'entoure et ignore superbement ceux qui la délaisse pour trouver mieux ailleurs. Peu lui importe. Et puis... Et puis il y a Lilwenn qui, à elle seule, a su ébranler toutes ses certitudes, tout ce dont elle se fichait jusqu'alors. Oui, il y a eu Lilwenn et Lilwenn a déversé en elle cette vague de sensations toutes plus incompréhensibles et contradictoires les unes que les autres. Lilwenn lui a apprit à aimer, mais à quel prix ?

quel est le statut amoureux de ton personnage ? → La jeune Lincoln est célibataire et profite de ce statut sans modération. Elle a du succès auprès de la gent féminine, alors pourquoi se priver de quelques plaisirs charnels dont, au matin, elle n'aura qu'un souvenir mitigé ? Mitigé, oui... Puisque derrière cette âme de séductrice se cache un profond manque d'affection qu'elle cherche dans des bras qui, elle le sait, ne sauront lui offrir ce qu'elle attend. Ce qu'elle attend ? Lil', évidemment... Cette jolie blonde qui hante cruellement ses nuits et dont elle n'arrive à se sortir le visage de la tête. Lilwenn, elle l'aime, c'est indéniable. Un amour sans le moindre lendemain, elle en est consciente.

quelles sont les préférences sexuelles de ton personnage ? → Chenault est homosexuelle et l'assume complètement. Dans la rue, ses regards se portent sur la gent féminine ; par son style, elle n'hésite pas à briser les tabous du genre vestimentaire ; et, qu'on se le dise, personne n'est jamais venu lui demander de quel bord elle se trouvait. Quant aux 'gouine', 'broute-gazon', 'lesbibouche' qu'on balance parfois sur son passage, elle n'accorde à ces appellations qu'une profonde indifférence.

comment ton personnage se voit-il dans l'avenir, du point de vue amoureux ? → L'avenir ? Tsk... Comment penser avenir quand on se trouve déjà incapable d'obtenir ce que l'on souhaite du présent ? Non. Chenault n'imagine pas ce que sera sa vie dans quelques années. Tout ce qui l'intéresse c'est la minute - que dis-je ? la seconde ! - qui suivra l'instant de ses pensées. Tout peut arriver, n'est-ce pas ? En une fraction de seconde, tout peut changer. Un monde peut s'écrouler, un étranger peut vous bousculer et alors tout sera différent, non ? Alors, à quoi bon ? A quoi bon s'imaginer un avenir de toute façon inaccessible ? A quoi vivre dans le rêve et l'espoir alors qu'à tout moment, tout peut basculer et, alors, rêves et espoirs vous paraîtrons bien dérisoires.