judah Ҩ maxence

« i've got nothing for you. »

Je finis de rouler mon joint dans un coin. Je ne sais pas vraiment chez qui je suis. On m’a envoyé l’adresse par sms. Un client voulait que je l’y retrouve pour lui livrer de quoi passer une bonne soirée. Malgré l’ambiance particulière, j’ai décidé de rester. Autour de moi, c’est approximativement l’apocalypse. Des corps les uns contre les autres, beaucoup d’alcool, beaucoup de fumée…
C’est le genre de soirée que je connais par cœur, le genre de soirée ou je me retrouver au moins trois soirs par semaine. Ils se débauchent tous, et ça ne m’attire même plus l’œil, j’ai trop l’habitude de les voir ainsi tous… Je connais trop cette ambiance, qui aujourd’hui ne fait plus aucun effet. L’euphorie des débuts m’a quitté depuis longtemps. J’ai même quelques fois pitié d’eux.
Il y a tous ces sourires, ces sourires qui masquent la vérité de monde impitoyable dans lequel je vis. Dans lequel on vit tous. Il est caché dans des litres d’alcool forts ingurgités. Et je m’enivre moi aussi, histoire d’oublier quelques heures.
J’ai fini mon joint, je l’allume et j’arrive à me frayer un passage et même a trouver une place dans ce qui a du être un canapé des années avant d’être le théâtre d’orgies diverses. Je m’assois et je regarde les gens autour de moi.
Je ne sais même pas pourquoi je reste là à les observer alors qu’ils ne m’intéressent pas. Je me dis que je ferais mieux de rentrer chez moi, me coucher et… et quoi ? Attendre demain, que tout recommence ? Je vis dans une spirale infernale, celle de la dealeuse qui n’a pas vraiment de vie.
Mais je l’ai décidé moi-même, j’ai choisi de ne m’accrocher à rien ni personne : se lier c’est prendre le risque de tout perdre. Je ne supporte pas l’idée d’être une perdante, d’être celle qu’on oublie ou qu’on remplace. Rien que l’idée me révulse. Je préfère dire ça plutôt que « j’ai peur » parce que c’est la même chose je ne veux pas montrer que j’ai peur.
Une fois mon joint fini, je l’écrase carrément contre le bras du canapé, qui de toute façon en a vu d’autre et que mon mégot ne dérangera certainement pas.
A part à la personne que je devais livrer, je crois que je n’ai encore parlé à personne ici. J’ai tendance à être solitaire. Passer cette soirée seule ne me dérange pas. Mais je regarde quand même autour de moi, si je trouve quelqu’un à mon gout. J’aime l’idée de me dire que je ne me suis pas déplacée pour rien.
Je regarde furtivement les gens qui bougent (sans rythme), les blondes, les brunes, les blonds, les bruns… Je secoue la tête négativement pour moi-même et décide que c’est assez. J’ai assez donné dans le stupide ce soir. Trop d’alcool que je n’ai même pas bu et que j’ai pourtant l’impression d’avoir dans le sang.
Je traverse la pièce, difficilement. Je me fais bousculer de toute part, en temps normal, j’aurais crié, demandé un peu de respect, mais là, je sais que c’est peine perdue. Alors je me contente de pousser plus fort pour qu’on me laisse passer. Dans l’entrée, il y a encore du monde mais tout de même assez de place pour passer dans se toucher.
BAM ! Un grand coup m’arrive de plain fouet dans l’épaule. Un mec a décidé de me rentrer dedans avec une violence inouïe. Il se fout de ma gueule ? Il y a moyen de passer deux personnes sans se toucher. Je me retourne, le regard noir vers celui qui m’a bousculé. Avant même de le détailler je cris. « Mais merde, tu peux pas regarder devant toi ?!! »
Tu sais pas qui je suis, belle gueule.