warren-piotr vs timéon, acte I scène 1.

Warren-Piotr soupira et porta sa pression à ses lèvres. Il n’avait pas cours aujourd’hui et cela l’arrangeait bien, vu la nuit qu’il avait passée. Il était sorti avec des amis pour fêter l’anniversaire d’un type qu’il connaissait à peine. Au moins, il s’était bien amusé. Il n’avait pas forcément abusé de l’alcool mais il était rentré à quatre heures du matin et avait été obligé de se lever à six heures pour emmener sa mère au travail. Il s’était recouché mais n’avait pas réussi à grappiller beaucoup d’heures de sommeil. Bref, le jeune homme était une épave et cela faisait bien rire Mélanie, assise en face de lui. La demoiselle n’ayant pas participé à ladite soirée, elle était fraîche comme la rosée du matin et se moquait bien des cernes de Warren qui bâillait régulièrement, sans pouvoir se retenir. « Hé, t’as pas un clope ? » demanda-t-il à la jeune femme en passant une main dans ses cheveux en bataille. Heureusement que ses larges lunettes de soleil protégeaient ses yeux fragiles car le soleil tapait fort, cet après-midi. Il avait reçu un coup de fil vers midi de son amie qui l’invitait à boire un verre et s’était habillé en express après avoir avalé un sandwich vite préparé. Il était toujours ravi de la retrouver, après tout, ils se connaissaient depuis de nombreuses années déjà.
Mélanie tira une cigarette de son paquet et la tendit à Warren qui la glissa entre ses lèvres avant de l’allumer. Il aspira une longue bouffée puis la recracha lentement. « Merci, » dit-il en reprenant une gorgée de sa bière. La jeune femme hocha doucement la tête et ils se mirent à discuter de tout et de rien. De leurs études, de leurs dernières soirées, de leurs aventures. Ils furent interrompus par la sonnerie du téléphone de Mélanie qui lui annonçait qu’elle avait reçu un message vocal. Warren rit légèrement en l’entendant grogner après son téléphone qui recevait les messages vocaux sans recevoir les appels qui les précédaient. La technologie s’avérait parfois capricieuse et le jeune homme ne put que la comprendre, lui qui possédait un téléphone datant du siècle dernier. Elle écouta le message et esquissa un sourire. « C’est Tim, il est au parc d’attraction avec des amis et me propose de ramener ma fraise, » dit-elle en rangeant son téléphone dans son sac. Un air contrarié apparut immédiatement sur le visage de l’étudiant. Timéon… ce type lui sortait vraiment par les trous de nez. Ses préjugés, son caractère à la con, ses remarques pas toujours agréables… il avait dû le supporter durant son adolescence et comme si la vie avait décidé de l’emmerder encore plus, ils bossaient ensemble depuis quelques mois.

« Ça te dit de venir ? » demanda la jeune femme d’un air taquin. Warren-Piotr lui jeta un regard noir, guère amusé. Les parcs d’attraction, c’était pas vraiment son truc, et Timéon Mortinsen l’était encore moins. D’un autre côté, il n’avait pas vu Mélanie depuis un bon bout de temps et elle semblait intéressée par la proposition de l’autre. Le jeune homme passa une main dans ses cheveux en bataille et soupira. « J’ai pas besoin de le regarder, après tout, » dit-il avec un petit sourire. Son amie laissa échapper un léger rire et ils laissèrent de quoi payer avant de quitter la terrasse du café. Ils se dirigèrent vers la voiture de Warren – une vieille poubelle toute pourrie mais qui tenait bien la route – et prirent immédiatement la direction du parc d’attraction sur un fond d’Aerosmith. Ils échangèrent quelques plaisanteries avant d’arriver et le jeune homme mit un temps fou à trouver une place pour se garer. Après tout, il faisait beau et le parc devait être bondé.
Warren-Piotr et Mélanie se dirigèrent vers l’entrée, payèrent leur billet et pénétrèrent enfin dans le parc. Autour d’eux, des enfants accompagnés de leurs parents se précipitaient vers certains manèges, une bande d’adolescents s’amusaient à un stand de tir et plusieurs couples se promenaient main dans la main. « Alors, ils sont où ? » demanda le jeune homme en plongeant ses mains dans les poches de son jean. « Attends, je l’appelle, dit-elle en portant son téléphone à son oreille. Allo, Tim ? C’est Mel, vous êtes où ? Mmmh… oui, je vois. Ok, d’accord. On arrive ! » Elle raccrocha et fit signe à Warren de la suivre. L’étudiant hocha doucement la tête et ils se mirent en marche. Ils passèrent devant des manèges qui donnèrent le tournis au jeune homme puis arrivèrent devant un truc qui lui retourna littéralement l’estomac. Devant lui se trouvait le manège le plus horrible qu’il ait jamais vu. Des rails qui partaient dans tous les sens, des loopings, des pentes quasiment à la verticale et surtout, une vitesse effrayante. Et bien entendu, Timéon et sa bande de potes étaient juste devant.

Warren-Piotr se força à afficher un air totalement détaché tandis que Mélanie se précipitait vers eux avec enthousiasme. Le visage de Timéon changea de couleur en l’apercevant et cela eu le mérite de tirer un sourire en coin à l’étudiant. De toute évidence, le fils à papa ne s’attendait pas le voir ici et cela le faisait bien chier. Ce constat redonna du cœur au ventre à Warren-Piotr qui s’avança pour saluer tout le monde poliment. « Salut Tim, ça roule ? » demanda-t-il avec un large sourire. Lui, s’amuser à le provoquer ? Mais non, pas du tout. « J’pensais pas qu’un type comme toi était du genre à s’abaisser à fréquenter de tels endroits. Ça va, t’es pas trop entouré par la classe populaire ? » demanda-t-il avec un air réellement inquiet. Non, il ne pouvait pas tellement s’empêcher de balancer des piques à Timéon dés qu’il en avait l’occasion. En même temps, il aimait tellement voir la fureur animer ses prunelles grises, ses poings se crisper, ses lèvres se pincer…

On rentre dans le parc sans plus attendre, vagabondant dans les allées mondaine. Heureusement il y a pas trop de monde pour m'énerver mais bien assez pour déjà me faire remarquer à quel point autour de moi c'est pitoyable. Tristan croise mon regard avec un sourire compréhensif. Ouai ba bouffon si toi aussi tu voulais pas fréquenter la plèbe pourquoi t'as dit oui quand ils ont proposé ça ?! Fallait penser au fait que je soutiendrais ton vote tout comme quelques uns d'entre nous... Je soupire en remettant mes lunettes de soleil pour être à l'abri des regards, et du moins détailler et scruter les gens derrière mes verres entièrement noir. On s'éloigne du train fantôme après avoir attendu que Yann et Noam s'éclatent comme des gosses, parmi justement des enfants de douze ans. Cela me tire presque un sourire alors qu'on décide de se mettre en quête de l'attraction la plus tarée, et la plus sensationnel. Je suis pas forcément fan de vitesse, de hauteur etc... mais ça peut-être marrant en effet. On fait le tour du parc répertoriant les niveaux avant de voir de loin des rails quasiment verticale au sol et des chutes horribles. Un seul regard suffit entre Tristan et moi même. Celle là là-bas ! Je pointe d'un coup de menton l'autre allée et on se bouge pour voir ce que ça donne vu d'en bas.

Mon téléphone sonne au même moment et je décroche en voyant le nom de Mélanie apparaître. Magnifique, sublime, géniale. Je décroche avec le sourire, sa voix fraîche étant coupé par des bruits qui j'identifie comme venant du parc. Elle est ici. Je l'informe de notre position, et elle raccroche avec un "on arrive". Wait a minute ! Qui ça "on" ? J'ai envoyé à "je" de Mélanie et pas à "on" de ses potes. Rangeant mon téléphone je ne tarde pas à reconnaître la silhouette de mon amie alors qu'un sourire se dessine sur mon visage. Elle s'approche en vitesse mais moi mon sourire disparaît en voyant l'éclair roux juste à ses côtés. Grimaçant sans vergogne et sans me cacher, je me retourne vers Mélanie qui me sauterait presque au cou mais dans une attitude plus apprécier que Leïla. Qu'est-ce qu'il fou là lui ?! Je demande à voix haute pour qu'elle m'entende et sans vraiment craindre qu'il m'entende ou pas. Après tout il est pas le bienvenu dans mon cercle d'ami il devrait le savoir ! Les gars d'ailleurs lance un regard un peu similaire au mien sans pour autant dire quoi que ce soit et seul Yann, Gaspard et Lara semble ne pas être dérangé par sa présence. Il les salue et je le détaille derrière mes lunettes, toujours aussi mal fringué. Même moi habillé rapidement et vraiment mal je donne l'impression d'aller à une réception sur une plage comparé à lui. Ouvres pas les hostilités... j'étais avec lui... Mélanie me répond à mi-voix avec un regard entendu.

Salut Tim, ça roule ? J’pensais pas qu’un type comme toi était du genre à s’abaisser à fréquenter de tels endroits. Ça va, t’es pas trop entouré par la classe populaire ? Son sourire faux et large me donne la nausée alors que je lève les yeux au ciel essayant de me contrôler. La suite de sa phrase évidement n'aide en rien et ma repartie sort sans même que j'y fasse attention. Lorsque cela relève de l'exceptionnel je n'ai aucun soucis avec... je sais au moins que j'ai le choix de fréquenter ce milieu... comparé à d'autre qui y sont enterré et qui n'ont que ça comme meilleur classe sociale. Sourire cynique, je le dévisage un instant. Non mais c'est lui qui m'a cherché, et puis il n'a rien à faire ici, pas dans mes journées sans radio... Mais vois-tu je me posais la même question sur ta présence ici... Comment as-tu réussit à te payer l'entrée ? c'est dans tes moyens ? T'as fais un prêt ? Je le fixe avec dédain et supériorité alors que Tristan sourit à ma réplique sans rien répondre se tournant avec les autres vers l'attraction. Un soupire de Mélanie me fait tourner la tête vers elle alors que sincèrement elle a rien à me reprocher, moi j'ai attendu qu'il ouvre les hostilités... j'ai rien commencé ! Et puis oui ce mec m'insupporte.

warren-piotr vs timéon, acte I scène 1.

Timéon Charly Mortinsen… Ce nom à la con avait hanté son adolescence et voilà qu’il continuait encore d’être présent dans sa vie. Warren-Piotr n’était pas du genre à avoir de préjugés, aussi quand Mélanie lui avait présenté son ami, il ne s’était pas formalisé de son apparence bien proprette de gosse de riche et avait voulu faire connaissance. Mais c’était sans compter sur Timéon qui lui avait vite fait comprendre qu’ils ne venaient pas du même monde et qu’il ne voulait rien avoir à faire avec lui. Warren avait été terriblement vexé. D’accord son jean était vieux, son pull n’était pas non plus de prime jeunesse, m’enfin il n’avait pas la gale. Malgré cela, Timéon n’avait pas cherché à le connaître et l’avait envoyé balader avec un regard méprisant, comme si Warren n’était rien d’autre qu’un cafard, un nuisible dégoûtant que l’on rêve d’écraser. Le jeune homme ne lui avait jamais pardonné une telle attitude et faisait tout son possible pour lui faire payer dés qu’il en avait l’occasion. Oui, Warren-Piotr était rancunier. Il avait été blessé profondément, Timéon avait écrasé son ego d’un simple regard et l’adolescent l’avait alors terriblement mal vécu. Mélanie était une bonne amie, mais le rouquin ne comprenait vraiment pas ce qu’elle trouvait à Timéon. Bon, d’accord, il avait de l’esprit, une bonne répartie et de bons goûts musicaux. Mais ça s’arrêtait là. En dehors de ces petites qualités, il était snob, prétentieux, médisant, cynique, et tellement insupportable !

Il n’y avait vraiment qu’à la radio que les deux adolescents s’entendaient bien. Là, la musique et les conneries qui fusaient parvenaient à les rassembler mais une fois le travail terminé, la rivalité refaisait de nouveau surface. Alors passer un après-midi ensemble au parc d’attraction relevait du masochisme pur. Mais pouvait-il dire non à Mélanie ? Et puis, il y avait d’autres personnes, il n’était pas obligé de faire attention à Timéon. Du moins, c’était sans compter sur son caractère à la con et son amour pour les regards furieux de son ancien camarade de classe. Evidemment, il ne put s’empêcher de l’ouvrir et écopa d’un regard noir de la part de Mélanie. Mais très franchement, il s’en fichait. La réaction de Tim était bien plus importante. Voilà, c’était ça qu’il cherchait. Son air dédaigneux, sûr de lui. Ces mèches blondes qui semblaient former une auréole autour de son visage tandis que sa bouche crachait du poison. Mortinsen dans toute sa splendeur… « Lorsque cela relève de l'exceptionnel je n'ai aucun soucis avec... je sais au moins que j'ai le choix de fréquenter ce milieu... comparé à d'autre qui y sont enterré et qui n'ont que ça comme meilleur classe sociale. » Warren-Piotr répondit à son sourire. Ah, il était tellement charmant. « Mais vois-tu je me posais la même question sur ta présence ici... Comment as-tu réussit à te payer l'entrée ? C'est dans tes moyens ? T'as fais un prêt ? »

Cette fois-ci, Warren-Piotr laissa échapper un léger ricanement. Touché. Non, vraiment, il ne pouvait pas nier la répartie amusante de Timéon. « Bah, ne t’inquiètes pas pour moi, je mangerai des patates jusqu’à la fin du mois. Au pire, je sais que je pourrai compter sur ta grande générosité, n’est-ce pas ? » Plutôt crever que de m’aider, hein ? songea Warren, à peu près sûr que c’était ce que pensait Timéon en ce moment même. Mélanie se racla bruyamment la gorge et jeta un regard noir à ses deux amis. Le jeune homme afficha un air penaud et elle soupira avant de prendre la parole : « Bon, maintenant que vos tendres retrouvailles sont terminées, on y va ? » demanda-t-elle avec un large sourire en désignant LE manège d’un signe de tête. Incapable de s’en empêcher, Warren-Piotr leva les yeux vers le truc le plus effrayant qu’il ait jamais vu et pâlit brusquement. Elle était sérieuse, là ? Elle voulait vraiment monter là-dedans ?

Cette fille n’était plus son amie. Non, c’était terminé, il était inenvisageable qu’une fille aussi folle puisse faire partie de son entourage. Monter dans ce truc, c’était de la folie. Il n’avait aucune envie de risquer sa vie en allant dans ce manège. Si les autres trouvaient ça cool, tant pis pour eux ! Lui n’avait nullement l’intention de quitter le plancher des vaches. Il était bien, là. Il y avait du soleil, un léger vent frais qui l’empêchait d’avoir trop chaud, la possibilité d’acheter à boire et à manger un peu plus loin, la vie était belle et les oiseaux chantaient, pourquoi prendre le risque de mourir ? « Tu viens, Warren ? » demanda Mélanie en voyant qu’il n’avait pas bougé. Le jeune homme déglutit avec difficultés. Vite, une excuse, quelque chose. Il ne pouvait décemment pas perdre la face devant Mortinsen et sa bande de singes. « Euh, je… j’ai faim, en fait, et puis… ton sac va t’emmerder, j’vais l’garder, okay ? » demanda-t-il sans grande conviction. Il ajouta néanmoins le sourire le plus naturel possible.

warren-piotr vs timéon, acte I scène 1.

Warren se serait bien passé de croiser la route de Timéon. Ce type avait toujours eu le don de l’humilier publiquement. Sur sa pauvreté, sa couleur de cheveux, tout. Alors forcément, il était presque obligé de lui rendre la monnaie de sa pièce quand il en avait l’occasion. Il ne pouvait pas s’en empêcher, cette envie d’emmerder Mortinsen était irrépressible. A chaque fois qu’ils se voyaient, c’était disputes et humiliations qui fusaient entre les deux. Ils ne savaient pas se tenir, de vrais gamins. Ce n’était pas faute d’avoir essayé, mais Warren ne pouvait pas résister. Timéon était si… et tellement… il n’avait pas de mots. « On paye déjà assez d'impôts pour payer ta scolarité, tu veux pas qu'on t'aide à acheter tes sous-vêtements ? Et puis te voir crever la faim... ça fera toujours un piètre bonhomme de moins. » Con. Oui, voilà, c’était ça le mot. Mortinsen était un con. La colère s’empara de Warren-Piotr à ses paroles mais il parvint à la cacher derrière un sourire. « Oh, quel trait d’esprit ! Je suis impressionné ! Non, vraiment, employer les mêmes jeux de mots depuis des années, ça fait un bel effet de style, tu m’épates ! » s’exclama-t-il en applaudissant. Mélanie eut alors la bonne idée de les interrompre en proposant de faire un tour de manège.
Warren-Piotr n’avait vraiment aucune envie de monter sur ce manège. Il avait toujours eu le vertige. Pas d’évènement traumatisant lié à une échelle ou un quelconque mur d’escalade, non, il avait le vertige depuis qu’il était enfant et avait toujours refusé de prendre de la hauteur. Au cours de sport, il s’était toujours arrangé pour ne jamais prendre le groupe qui proposait de l’escalade et avait ainsi pu garder sa phobie pour lui. Un simple escalier pouvait parfois lui faire peur s’il était trop ardu ! D’accord, c’était assez pitoyable, tout comme sa peur du noir, mais on avait tous nos phobies, non ? Warren-Piotr était conscient qu’il n’était pas très courageux de refuser d’affronter ses peurs, mais le jeune homme était d’un naturel prudent. Il détestait prendre des risques et d’après lui, monter sur ce manège c’était risquer la mort. Non mais franchement, comment pouvait-on éprouver le moindre plaisir à faire quelque chose d’aussi risqué ? Warren n’avait jamais compris ces gens qui adoraient se faire peur. Quel était l’intérêt ? La vie était déjà assez effrayante comme ça, quel était l’intérêt d’en rajouter ?

Warren-Piotr se dépêcha donc de trouver une excuse – un peu naze, certes – et la bafouilla avec un sourire qui sonnait faux. D’un autre côté, c’était vrai, il avait un peu l’estomac dans les talons, mais il voulait réellement échapper à cette folie. Tous les regards se tournèrent vers lui et le jeune homme commença à se sentir mal. Faites qu’ils n’en aient rien à faire… « Bah alors Piètre t'as les chocottes ? Me dis pas que t'as peur de la vitesse et du vide ... au pire c'est pas comme si ta vie valait de l'or, non ?! » Warren serra les dents. Il n’aurait pas pu fermer sa gueule, pour une fois ? Se foutre de sa « piètre » existence et le laisser tranquille aller s’acheter un putain de hot dog en attendant qu’ils aient fini de faire les gamins dans un truc super dangereux ? Ben non, apparemment, quand on s’appelait Mortinsen, il fallait OBLIGATOIREMENT faire chier les autres. Warren-Piotr chercha un appui dans le regard de Mélanie et s’apprêta à répliquer lorsqu’un des singes de Timéon prit la parole. « Bah oui vas-y montre nous que t'es pas une grosse tafiolle ?! » Cette fois-ci, les prunelles bleues de Warren se posèrent sur le type qui venait d’ouvrir la bouche et le toisèrent comme s’il était la dernière des merdes. Son attitude détachée et moqueuse venait de totalement disparaître pour laisser place à une froideur que l’on lisait rarement sur le visage de Warren-Piotr. « Et si j’en étais une, de grosse tafiolle, qu’est-ce que ça pourrait te foutre au juste, hein ? demanda-t-il d’un ton acerbe. T’as un souci avec les gens qui assument ce qu’ils sont plutôt que de jouer au gros dur et faire des trucs qu’ils n’ont pas envie de faire ? » poursuivit-il avant de se tourner vers Timéon. « Non, je n’aime ni la vitesse, ni le vide, je trouve complètement stupide de s’amuser à se faire peur. Si vous avez besoin de ça pour avoir des sensations fortes, je me sens désolé pour vous. J’ai aucune envie de foutre un pied là-dedans, donc si j’ai envie d’aller me chercher un truc à bouffer et de gentiment garder le sac de Mel pour qu’elle soit pas emmerdée, je fais encore ce qui me plaît, et j’ose espérer pouvoir le faire sans qu’un connard me traite de tafiolle. » Sur ces mots, il reporta de nouveau son attention sur l’ami de Timéon. « Un conseil pour l’avenir : fais gaffe aux termes que t’emplois, tu sais jamais sur qui tu peux tomber. »

Warren-Piotr tourna les talons et se dirigea vers le stand qui vendait les hot dog qu’il avait repéré en venant. Il ne s’était pas vraiment attendu à s’énerver pour si peu… d’habitude, il détestait se prendre la tête pour un rien et encore plus jeter un froid comme il venait de le faire. Ça le faisait bien chier d’avoir agit ainsi alors que Mélanie lui avait proposé de venir, mais bon, les paroles de l’autre connard lui avaient vraiment déplu. Certes, il ne pouvait pas savoir, mais quand même… Mortinsen était certes un con, mais lui au moins n’avait jamais osé dire de telles choses. Même en connaissant l’orientation sexuelle de Warren-Piotr depuis peu de temps, il n’avait jamais rien dit – cela l’avait d’ailleurs fortement étonné. Timéon ne l’appréciait pas, mais il régnait une espèce de respect entre les deux. D’un point de vue extérieur, les gens avaient vraiment l’impression qu’ils n’avaient aucun respect pour l’autre, mais ce n’était pas le cas. Pour s’affronter comme ils le faisaient, il fallait respecter son adversaire un minimum, sinon, il n’y avait pas lieu de se disputer.

Spoiler:

warren-piotr vs timéon, acte I scène 1.

Bon, d’accord, il s’était peut-être un tout petit peu trop emporté. Mais vraiment un tout petit peu. En même temps, il y avait des sujets sur lesquels Warren-Piotr était très sensible et cela en faisait partie. Bien sûr, le mot « tapette » faisait partie du langage courant et ne désignait plus forcément les homosexuels, mais le simple fait d’être une chochotte, d’avoir peur de faire quelque chose, mais le jeune homme ne pouvait empêcher la moutarde de lui monter au nez en entendant ce genre de mots. Il en avait tellement bouffé en étant plus jeune… De plus, il avait très peu dormi cette nuit et comme d’habitude, avait donc tendance à s’énerver bien plus vite et pour pas grand-chose. Ce qui l’ennuyait le plus à vrai dire, c’était de décevoir Mélanie qui voulait juste passer une bonne après-midi avec ses deux meilleurs amis. Il n’en avait pas grand-chose à faire de s’être ainsi affiché face aux singes de Mortinsen. Eux, il s’en fichait. Ces personnes ne l’intéressaient pas du tout, Warren-Piotr était assez content de ses fréquentations et n’avait pas besoin de faire semblant d’apprécier des gens qui n’avaient rien à voir avec lui.
Bref, il saisit le sac de Mélanie et s’éloigna vivement de la bande de clowns qui se demandait encore ce qui venait de se passer. Il restait ici uniquement pour Mélanie et les hots dogs qui avaient vraiment l’air sympa. Qu’est-ce qui lui avait pris de venir ici ? Il aurait dû refuser poliment en apprenait que c’était Timéon que la jeune femme allait rejoindre. Il aurait dû lui dire au revoir et lui proposer de se voir une autre fois, pas la suivre bêtement dans la fosse aux lions. Pourquoi avoir accepté en sachant pertinemment que Mortinsen et lui ne se supportaient pas ? C’était comme au lycée, quand ils étaient capables de se croiser plusieurs fois par jour sans être dans la même classe et même lorsque le lycée en question comptait près de mille élèves. Comme s’ils parvenaient à s’attirer tels deux aimants sans même s’en rendre compte. Ils se haïssaient et pourtant, ils se cherchaient du regard dans les couloirs – juste pour ne pas manquer l’occasion d’emmerder l’autre, bien évidemment.

Au final, ils avaient toujours été proches. Dans l’adversité, certes, mais ils se connaissaient depuis l’âge de douze ans et travaillaient même ensemble, désormais. Ils n’étaient pas si différents, au final. Peut-être même étaient-ils trop semblables si l’on oubliait l’état de leur compte en banque. Trop fiers, trop cyniques, trop moqueurs, trop… Trop. Warren-Piotr laissa échapper un profond soupir et s’arrêta devant le marchand de hots dogs. Il en commanda un et n’eut pas longtemps à attendre avant de pouvoir s’éloigner avec sa précieuse nourriture. Il alla s’asseoir sur un banc un peu plus loin et posa le sac de Mélanie à côté de lui. Outre le fait qu’il avait peur de monter dans ce manège, le jeune homme avait réellement faim et la première bouchée lui parut salvatrice. Warren apprécia grandement son encas jusqu’à ce que la silhouette de Timéon n’apparaisse devant lui.
Tout en mangeant son hot dog, Warren-Piotr laissa son regard s’attarder sur le jeune homme qui s’avançait vers lui. Au collège, il avait toujours trouvé que Timéon avait une tête à claque. Les gens autour d’eux le disaient « mignon » alors, mais la haine viscérale qu’éprouvait alors Warren pour Mortinsen l’empêchait d’être objectif. Néanmoins désormais, le jeune homme était bien obligé d’admettre que Mortinsen avait bien grandi. Adieu les rondeurs de l’enfance, il avait désormais plus l’allure d’un homme bien fait que d’un adolescent. Bon, d’accord, Timéon était loin d’être dégueulasse, songea Warren-Piotr avec une moue. Sa haute taille, les muscles que l’on devinait sous ses vêtements, ses cheveux si blonds et ses yeux gris. Une certaine classe, une certaine prestance se dégageait du jeune homme. Etaient-ce ses origines sociales qui permettaient cela ? Warren se le demandait. L’étudiant avala la dernière bouchée de son hot dog puis but une gorgée du soda qu’il avait acheté au passage. Timéon le repéra au même moment et s’avança vers lui avec l’air d’être condamné à l’abattoir. Warren-Piotr reposa sa canette de soda sur le banc à côté de lui sans quitter sa némésis du regard. « Même le grand Timéon Mortinsen ne peut pas résister aux regards noirs de la douce Mélanie, n’est-ce pas ? » demanda-t-il en glissant une cigarette entre ses lèvres avant de l’allumer. « J’aurais même pas dû venir. Mais bon, tu sais c’que c’est. On peut pas vraiment lutter contre elle. »

Il tira longuement sur sa cigarette et garda la fumée un petit moment avant de l’expulser lentement par le nez et la bouche. Il arrivait parfois que Timéon le surprenne réellement. Lui qui était d’habitude si sûr de lui et qui refusait qu’on lui ordonne quoi que ce soit, il était capable de se plier aux exigences de Mélanie. Mais après tout, Warren-Piotr étant dans la même situation. Mais là où son éternel rival l’avait le plus surpris, c’était quand il avait trouvé Warren en train d’embrasser un autre garçon. Il avait immédiatement pensé que Timéon n’était pas prêt de s’arrêter de l’emmerder avec ça, mais en fait, il ne s’était rien passé. C’en était même inquiétant. D’ordinaire, il n’aurait pas manqué une seule occasion de se foutre de lui et là, rien.
Warren continua d’observer Timéon un instant, en silence. Puis il finit par se rendre compte qu’il le fixait sans rien dire depuis un bon bout de temps et détourna le regard, avalant une gorgée de son soda puis reprenant une bouffée de cigarette. « J’suis bien, là. Bon, si tu reviens sans moi elle risque de t’arracher les yeux – ce qui serait assez dommage d’ailleurs – mais j’ai vraiment pas envie de bouger. Les manèges, c’est pas mon délire. J’préfère la pêche aux canards. Ou les auto-tamponneuses. Les p’tits chevaux de bois c’est cool aussi, ça monte pas trop haut. J’vous laisse vos trucs de grands, » dit-il avec un sourire en coin. Les deux jeunes hommes avaient beau se détester, il arrivait parfois qu’ils échangent des paroles civilisées. Et puis la colère de Warren avait plus été dirigée sur l’ami de Timéon que sur lui pour l’instant, aussi n’avait-il aucune raison de bouffer le nez du jeune homme. Après, restait à voir comment Sire Mortinsen avait l’intention de se comporter avec lui, bien évidemment.

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warren-piotr vs timéon, acte I scène 1.

Warren-Piotr continua de tirer sur sa cigarette jusqu’à l’avoir complètement consumée puis jeta le mégot dans le cendrier qui se trouvait à côté du banc. Il en profita pour terminer son soda et envoya la canette faire un magnifique vol plané jusque dans la poubelle. Satisfait, il esquissa un sourire et s’auto-congratula mentalement. Oui bon, on s’amusait comme on pouvait, hein. Une fois son incroyable exploit accomplis, le jeune homme reporta son attention sur Timéon. Il avait remarqué que depuis que son « rival » avait appris son orientation sexuelle, il semblait mal à l’aise à chaque fois que Warren le fixait trop longtemps. Et lui, bien évidemment, prenait un malin plaisir à laisser traîner son regard sur Mortinsen. Non seulement ça le faisait chier mais en plus, il y avait plus chiant à regarder que Timéon. Il était assez fascinant, à vrai dire. C’était l’effet « fils à papa », peut-être. C’était facile d’avoir la classe quand on avait les moyens de se payer des fringues et un putain d’coiffeur. « Ou alors c'est que même indésiré tu as au moins ici de la sociabilité acceptable... mais en effet Mélanie arrive toujours à ses fins il faut croire. » Warren-Piotr laissa échapper un léger ricanement aux paroles de Timéon et passa une main dans ses cheveux flamboyants pour dégager des mèches rebelles de devant ses yeux. « Mais je suis très sociable. Ce n’est pas moi qui choisi mes fréquentations selon le compte en banque de papa du type qui se tient en face de moi, » dit-il en affichant un sourire en coin.

Le jeune homme sentit immédiatement que son vis-à-vis n’était plus très à l’aise, suite à ses paroles. C’était assez drôle. Aurait-il trouvé un nouveau moyen d’emmerder Mortinsen ? Après tout avec ses principes à la con, il était bien capable de s’horrifier à la vue de Warren-Piotr tentant de le séduire. Ça pouvait donc être une technique tout à fait comique pour emmerder ce cher Timéon. Warren esquissa un sourire légèrement carnassier, fort content de sa petite découverte. « Me dis pas qu'en plus d'être pauvre et sans intérêt t'es fétichiste des yeux ? Là sérieusement tu serais vraiment bon à supprimer... » Un nouveau rire lui échappa et Warren-Piotr s’adossa plus confortablement contre le banc. « Fétichiste, non, mais il faut bien avouer que tes yeux sont intéressants. On dirait des nuages chargés de pluie, ça me rendrait presque poète. Dommage qu’ils reflètent une telle suffisance et un esprit aussi étroit, » dit-il avec nonchalance. Puis il soupira doucement et poursuivit : « Non, s’il y a un truc que j’aime vraiment, c’est les mains. Ça en dit long sur les gens. Toi par exemple, avec tes ongles bien taillés et propres, tes paumes douces et dénuées de la moindre marque, on voit bien que t’en branles pas une, » dit-il avec un petit sourire. Un peu surpris que Timéon daigne s’asseoir à côté de lui, il lui laissa néanmoins une place sur le banc.

« Et pourquoi pas bientôt faire partie du staff de la garderie à l'entrée du parc ? T'as aucun cran ? Aucun besoin d'adrénaline ? Ta vie est à ce point passionnante à ton goût ? Parce que sincèrement j'en doute... Sans parler de manquer de se faire tuer aux attractions comme toute à l'heure... je sais pas maison de l'horreur, karting, ascenseur... y'a des trucs qui pourraient te sortir de ta médiocre vie... » Warren-Piotr ne se départit pas de son sourire malgré les paroles de Timéon et leva ses bras afin de placer ses mains derrière sa tête en laissant échapper un énième soupire. Il se tourna alors vers Timéon et plongea son regard dans le sien. Il n’avait jamais été effrayé par le moindre face à face avec lui et ça n’allait pas commencer maintenant. « Tu sais, ma vie me satisfait pleinement. Je ne sais pas si c’est le fait de mener une paisible petite vie d’enfant riche qui te pousse à rechercher de l’adrénaline, comme tu dis, mais moi j’en ai assez au quotidien. Mes études me plaisent, mon boulot me plaît, j’ai mes amis et ma famille, quelques plans culs très intéressants de temps en temps… ça suffit à apporter la dose d’adrénaline nécessaire à mon existence. Je n’ai pas besoin de chercher un substitut dans des… attractions à sensations fortes. » Il s’interrompit, approchant un peu son visage de celui de Timéon et lui arracha doucement sa cigarette presque terminée pour tirer une longue bouffée dessus avant de laisser échapper la fumée en douces volutes blanches. Puis il lança le mégot au loin et s’approcha un peu plus. « Tu as besoin de plus d’adrénaline, Mortinsen ? murmura-t-il doucement. Je peux t’en apporter, si tu veux. »

Oui bon, il y allait peut-être un peu fort… mais à vrai dire, la réaction de Timéon l’intéressait vraiment. Allait-il le repousser directement comme une vierge effarouchée ou bien être trop troublé par son attitude pour réagir immédiatement ? Il plongea son regard céruléen dans les prunelles orageuses de Mortinsen, ces yeux qui l’avaient jugé trop de fois et qui faisaient naître des émotions partagées en lui.

warren-piotr vs timéon, acte I scène 1.

Timéon avait réussi à blesser Warren-Piotr plusieurs fois. Quand ils étaient plus jeunes, surtout. A cette époque, le garçon qu’il était apparaissait plus fragile, plus susceptible. Il avait alors été terriblement blessé par les remarques de Timéon et avait plus d’une fois fait part de ses malheurs à sa mère qui lui avait dit de ne pas faire attention, de ne pas écouter les bêtises de l’autre garçon. La première fois que Mortinsen l’avait insulté alors que Warren avait tenté de lui offrir son amitié en constatant qu’il connaissait Mélanie, le garçon en avait même pleuré. Sensible et peu habitué à de telles méchancetés, il n’avait pu s’empêcher de laisser échapper quelques larmes, mais cela, Timéon l’ignorait et Warren-Piotr préférait encore crever que de lui avouer cela un jour. Car depuis, Warren s’était endurci et c’était en partie grâce à Mortinsen. Il avait grandi, avait appris à répliquer et à devenir lui aussi, méchant quand c’était nécessaire. Au final, il avait l’impression d’en devoir une à Timéon. Car s’il ne l’avait pas poussé à devenir plus fort dés l’âge de douze ans alors il y a plein d’épreuves qu’il n’aurait peut-être pas réussi à traverser aussi bien. Notamment le rejet de son père à cause de son homosexualité, puis le divorce de ses parents. A cause de lui. Mais cela, Warren ne l’admettrait pas en face de son ancien camarade de classe. Hors de question.
Il n’y avait sûrement rien de plus jouissif que de clouer le bec à cet empaffé de Mortinsen. A part peut-être un steak bien saignant et une bonne partie de jambes en l’air. Ouais, voilà. La faire fermer à Timéon était la troisième chose la plus jouissive du monde. Il pouvait s’estimer heureux d’être capable de faire atteindre le septième ciel à Warren-Piotr, bien que ce ne fusse pas de la manière la plus évidente aux yeux du commun des mortels. Le jeune homme, plongé dans son classement des choses les plus orgasmiques du monde, se demanda alors comment ça pouvait être de coucher avec Mortinsen. Gardait-il cet air constipé en permanence ? Warren se figura la scène et ne put s’empêcher de pouffer de rire. C’était vraiment tout, sauf excitant. Ou alors au contraire… ne se lâchait-il vraiment qu’à ce moment-là ? Quand son corps s’embrasait sous le désir, quand la passion le dévorait. Le rouquin l’imagina un instant les joues légèrement rougies, le souffle court, ses prunelles d’acier briller sous le besoin pressant d’être soulagé, satisfait. En redemanderait-il ? Prendrait-il les commandes par pure fierté, ou se laisserait-il aller pour une fois dans sa vie ? Fuirait-il le lendemain matin, ou juste après, terrifié par cet aspect de sa personnalité qu’il viendrait de découvrir en compagnie du rouquin le plus « dégoûtant », selon ses termes, du monde entier ? Warren-Piotr se mordit la lèvre inférieure, captivé par ses pensées.

Warren n’avait jamais vu Timéon autrement que comme un ennemi, un rival. Un enfoiré qui lui cassait les couilles dés qu’il en avait l’occasion. Mais le jeune homme venait de découvrir une autre possibilité et elle le charmait au plus haut point. Pourquoi pas, après tout ? Certes, aux yeux de tous, Mortinsen était hétérosexuel, d’ailleurs Warren-Piotr l’avait toujours vu en compagnie de jolies filles de bonne famille, c’était d’un cliché… Mais la réaction du jeune homme en le découvrant en train d’embrasser un garçon avait été plus qu’intrigante. Il avait semblé gêné de voir ça, tellement gêné qu’il n’avait même pas saisi cette opportunité de se moquer une fois de plus de Warren. Cela le perturbait. En temps normal, son éternelle némésis aurait immédiatement utilisé cette information pour casser les oreilles du jeune homme. Et pourtant…
Warren passa une main dans ses cheveux sans pour autant s’écarter de Timéon. Le jeune homme ne disait rien et c’était si rare qu’il voulait absolument en profiter. De plus, ça lui permettait de réfléchir. Séduire Mortinsen pourrait être un des challenges les plus durs qu’il ait jamais tenté de relever. Après tout aux dernières nouvelles, il était hétérosexuel et ils se détestaient. Mais s’il parvenait ne serait-ce qu’à perturber Timéon, le pousser à se poser des questions ou même l’emmerder tout simplement, la victoire serait déjà grande. Il n’avait jamais envisagé la possibilité de draguer Timéon pour la simple et bonne raison qu’ils se chambraient trop pour que la moindre ouverture puisse apparaître pour Warren. Le blond était séduisant. Physiquement, il avait toujours plu au jeune homme qui n’irait pas nier la beauté de son désormais collègue malgré leurs nombreuses disputes. Alors il avait bien envie de tenter. Après tout, il n’avait rien à perdre et il savait pertinemment que Mortinsen ne se ferait jamais totalement avoir. C’était juste pour s’amuser.

« Sincèrement Piètre, tu crois vraiment que tu peux m'apporter une quelconque adrénaline ? Toi le moins que rien, le bon à rien, le pauvre sans intérêt... j'en doute ! » Warren-Piotr évita d’esquisser un sourire triomphant à la magnifique perche que Mortinsen venait de lui tendre. Au-delà des paroles sensées le blesser – mais qui ne lui faisaient plus rien, à force de les avoir entendues – Timéon venait de lui offrir l’occasion parfaite de l’emmerder jusqu’à ce qu’il craque, d’une manière ou d’une autre. Ils ne faisaient pas les mêmes études et ne fréquentaient pas les mêmes personnes, à part Mélanie, mais ils bossaient ensemble et cela laissait tout un tas d’occasions pour mettre son « plan » à exécution. Un sourire mutin vint fleurir sur les lèvres de Warren-Piotr qui plongea son regard dans celui de son vis-à-vis avant de glisser dans un murmure : « Je pourrais te surprendre. Tu veux parier, Mortinsen ? C’est simple. La seule condition, c’est qu’on doit être parfaitement honnêtes. Si j’arrive à te procurer la même sensation d’adrénaline que ces manèges à sensation forte, un frisson, le cœur qui bat plus vite, une sueur froide, n’importe quoi, alors j’aurais le droit d’exiger quelque chose de toi. Dans le cas contraire, c’est toi qui pourras exiger quelque chose de moi. J’ai… disons trois semaines, pour y arriver. Ça te dit, Mortinsen ? Sauf si tu as peur de perdre, bien sûr. »
Voilà, il n’y avait plus qu’à attendre la réponse de Timéon. Lui était prêt à aller jusqu’au bout de ce pari, de tout tenter pour le remporter. Il ignorait totalement ce qu’il ferait faire à Mortinsen s’il venait à gagner, mais il se disait qu’il trouverait bien à ce moment-là. Le forcer à faire le ménage dans sa piaule pendant un mois pouvait être particulièrement drôle. Il y avait tellement de possibilités et Warren-Piotr rêvait de gagner juste pour avoir une chance de les exploiter. Avoir Timéon à sa merci serait peut-être plus jouissif qu’un steak saignant, finalement. Mais pour le savoir il fallait que son vis-à-vis accepte et plus dur, qu’il gagne leur petit pari. Mortinsen était bien trop sûr de lui et le jeune homme avait bien envie de briser ses certitudes. De lui prouver que le pauvre Eveniwan avait plus d’intérêt qu’il ne l’imaginait. Qu’il pouvait égaler les personnes fantastiques que Timéon côtoyait sans chercher à voir plus loin que le bout de son nez.