Après un petit déjeuner glacial, je monte lourdement les escaliers cirés de la grande demeure que j'habite depuis quelques mois déjà. Cette baraque est chouette, c'est indéniable. Mais jamais je n'aurais les moyens de m'en payer une comme ça toute seule, alors je la partageais. Ou plutôt, je donnais un loyer à la propriétaire, qui vivait avec nous. Nous étions en tout quatre à nous partager ses murs, quatre pour le meilleur, et surtout pour le pire. Le petit dej' de ce matin était la parfaite métaphore de notre vie quotidienne. Quatre individus, plus que différents, assis à la même table, essayant de se comprendre, essayant de partager un repas ou une vie en harmonie.

Tout d'abord, il y a Quinn, la propriétaire des lieux. C'est quelqu'un de bien je le sens. Malheureusement, nos relations ne seront jamais au beau fixe. Et c'était de ma faute. Elle avait toutes les raisons de m'en vouloir, puisque j'avais détruit entièrement une des chambres de sa maison. ( J'avais allumé une bougie près d'un rideau, avant de l'oublier et de quitter la maison précipitamment. L'incendie avait été maîtrisé mais au moins une pièce de la demeure était inhabitable.) J'avais découvert après coup, combien elle tenait à ladite maison, prunelle de ses yeux et héritage de ses aïeules. C'était un miracle qu'elle ne m'ait pas chassée, mais quand elle me regardait, je sentais qu'elle cherchait un moyen de me détruire par le feu à son tour...
Ensuite, il y a Micah. Sans doute la personne qui m'apprécie le plus dans cette maison. La preuve, il m'a accueillie dans sa chambre après que j'ai détruit la mienne. Je crois que je l'apprécie aussi. Il y a quelque chose chez lui, qui vous attire, qui vous envoûte, qui vous donne envie de faire parti de son entourage. Il est mystérieux mais paradoxalement, c'est le plus accessible de mes colocataires. Une semaine, ça fait déjà une semaine que je dors dans son lit. Nous ne faisons que dormir, chacun d'un côté du lit, mais j'aime bien, le savoir à côté de moi. Je m'y suis habituée, au point de ne pas prendre en compte les autres solutions provisoires que Quinn m'avait proposée. Oui, Micah est sans doute la personne que je préfère ici.
Enfin, il y a Mr Fitzgerald, le seul que je n'ose pas appeler par son prénom . Je ne peux malheureusement pas dire grand chose sur lui. Il n'aime personne, ne parle à personne. On pourrait très bien être des plantes vertes pour lui. Il nous fait bien sentir que ça le gêne de vivre avec nous. Mais personne ne l'a forcé, alors bon... Je laisse couler, je crois que j'ai juste cessé de me questionner sur son comportement.

Les marches enfin gravies, je vais dans la chambre de Micah pour revêtir mon uniforme de travail. Sans enthousiasme, entendons nous bien. Je détestais mon métier actuel. Mais je n'avais aucun droit de me plaindre de ce dernier, si j'en étais là, c'était de ma faute. Alors, comme chaque matin, je me plante devant mon miroir et je m'accorde mon quart d'heure de lamentations. Le seul de la journée, après, je pense à autre chose.

A la base, tout avait bien commencé. Papa voulait le meilleur pour sa petite fille, il lui avait donc payé les meilleures études. J'avais choisi les langues, et même travaillé un peu. Après une école de traduction coûteuse, j'étais trilingue. J'étais devenue traductrice dans une maison d'édition, métier peu valorisant mais stable. J'avais pu emménager dans un luxueux appartement dans le centre ville, en partageant le loyer avec mon compagnon de l'époque. Il était gentil, relativement ennuyeux mais il parlait un peu trop d'avenir à mon goût. J'en étais certaine, une vie d'adulte, c'était pas pour moi. J'étais trop légère, étourdie, détachée pour prendre les choses à cœur. Je rêvais d'autre chose... Je rêvais trop, d'ailleurs. Après quelques traductions rendues en retard et un fracassant non à une demande en mariage public, redoutée, je me suis retrouvée célibataire et sans emploi. Soulagée mais toujours aussi insatisfaite.
Par la suite, j'ai recommencé ma vie. J'ai répondu à une petite annonce, et j'ai été miraculeusement choisie par Quinn pour vivre ici. Phoenix, la ville du soleil, ça me plaisait bien. Tout comme l'idée de la colocation, je n'aimais pas les maisons trop silencieuses; C'est pas facile de vivre avec des gens qui se connaissent déjà très bien mais j'ai fais des efforts d'intégration que je trouvais louables... jusqu'à l'accident, du moins. Le plus difficile avait été ma reconversion professionnelle. J'étais devenue hôtesse de l'air... J'avais été attirée par l'aspect des voyages, de la liberté que cela pourrait m'apporter. Mais comme d'habitude, je n'avais pas assez réfléchi, je n'avais vu que les bons côtés. J'avais omis les sourires formatés, les discours identiques en trois langues, les consignes de sécurités interminables, les passagers stressés... et surtout le fait qu'une journée en plein décalage horaire n'était pas assez pour découvrir un pays. Bref, je m'étais encore trompée, ce métier n'était pas fait pour moi. Le truc, c'est que je n'étais même pas certaine que quelque chose était réellement fait pour moi. Alors je me contentais de cette vie, elle me plaisait plus que la précédente...

Une fois mon foulard noué, dernier élément indispensable de mon costume, je me mets en route pour l'aéroport. Il ne fallait pas que je déconne, j'avais déjà quelques retards pour ce mois-ci. Je redescends les escaliers, pour me figer sur la dernière marche, saisie par la scène qui se joue dans la cuisine. Mr Fitzgerald a quitté la pièce, laissant à Quinn et à Micah la possibilité de détendre l'atmosphère. Je les vois échanger gestes et regards complice, et je deviens totalement jalouse en quelques secondes. Ça me bouffe de les voir les deux comme ça, sans raison sensée. Après tout, Micah me devait rien, il n'était pas à moi, je n'étais pas à lui. On ne s'était rien promis, on partageait juste une chambre ensemble.. alors pourquoi ça me dérangeait autant ? Je suis pas normale je crois. Je leur crie un en revoir, sortant précipitamment. J'avais besoin d'une clope. Il fallait juste que je l'allume loin de cette maison... sinon, ça serait de la provocation.

que signifie le terme d'amour pour ton personnage ? → Ophelia croit au grand amour, elle croit réellement qu'on peut aimer une seule personne dans sa vie. Pourtant, elle est pragmatique, alors elle pense qu'il n'y a qu'un faible pourcentage de chances pour qu'on trouve cette unique personne alors qu'on est 6 milliards sur cette terre. Mais au fond, elle est comme tout le monde, elle ne veut pas finir seule, elle veut connaître ce sentiment, elle veut connaître la passion, l'oubli, toutes ces choses dont les gens parlent des étoiles dans les yeux.

quel est le statut amoureux de ton personnage ? → Ophelia est actuellement célibataire, ce qui explique qu'elle puisse partager le lit de Micah sans scandale. Elle est lasse du célibat mais ne désespère pas. Il y a quelques mois, elle a refusé la demande en mariage de son ex, car elle savait qu'elle ne l'aimait pas. Depuis, c'est le désert dans sa vie sentimentale.

quelles sont les préférences sexuelles de ton personnage ? → Ophelia est hétérosexuelle, et plutôt sûre de l'être. Elle n'a jamais testé les filles mais c'est parce qu'elle n'en a pas ressenti le besoin.

comment ton personnage se voit-il dans l'avenir, du point de vue amoureux ? → Ophelia commence à se considérer comme mal barrée sur le plan du futur amoureux. Elle a conscience d'avoir déjà 32 ans, et commence à guetter ses rides et sa cellulite. Elle ne veut pas se marier, ne pas avoir d'enfants, ne pas faire de concession, alors elle se dit qu'elle n'est pas un morceau de choix pour un homme de son âge. Mais quand elle fait preuve d'optimisme, elle se dit que ce serait pas mal de trouver quelqu'un qui l'aime pour ce qu'elle est vraiment.