Too close for missiles — Roksana

Too close for missiles ❦
ft. Roksana Dyrbova

❝ Après plusieurs heures de recherche – non jours de recherche - Lucy-Ann décida qu’elle en avait assez et que tant pis, elle allait devoir se contenter de ces foutus cours de danse. Des cours de balai ! Elle n’en revenait toujours pas, elle suivre des cours de balai. Dan allait rire lorsque cette idée farfelue de dernier ressort remonterait jusqu’à ses oreilles moqueuses. Lucy aurait largement préféré – et de loin – avoir à suivre des cours de boxe, mais elle n’avait pas le choix : avec deux jambes à moitié fonctionnelles et une main occupée en quasi-permanence par une canne, on en vient à faire face à l’évidence, celle qu’on ne peut désormais plus faire tout ce qu’on veut.

— Et c’est parti pour des fabuleux cours de danse. Foutu médecin, marmonna intérieurement Lucy-Ann une fois arrivée près de la porte de l’édifice.

C’était une immense bâtisse d’environ une vingtaine d’étages, rien de plus génial à escalader pour toute personne à capacité réduite.

— J’espère qu’ils ont mis les salles de sport au rez-de-chaussée sinon, arrivé à l’heure et tout en beauté pour le premier cours, c’est raté.

Comme si le diable l’avait entendu s’exaspérer de toutes ces longues minutes perdues à monter les marches une à une, le panneau des étages indiqua gentiment à la jeune femme que sa fameuse salle de sport se trouvait non pas à côté d’elle à sa droite mais tout au sommet de l’immeuble – il avait effectivement une salle d’entraînement au rez-de-chaussée mais malheur, l’enseignante de balai préférait faire travailler ses élèves en se postant au sixième étage.

— Qui que tu sois, je te maudis, enseignante de balai, grogna Lucy-Ann en se demandant pourquoi ils n’avaient pas encore installés d’ascenseur dans un bâtiment d’une aussi grande envergure.
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❝ Lucy-Ann arriva dix minutes en retard, essoufflée et de mauvaise humeur (cette semaine n’était visiblement pas la sienne), situation qui annonçait tout sauf un bon départ dans la réhabilitation de ses jambes épuisées.

— Elle doit avoir oublié les cinquante fois où je lui ai précisé que je pouvais à peine monter des escaliers, se dit Lucy-Ann pendant qu’elle essayait de trouver une position confortable pour attendre son enseignante.

Il y avait malgré tout un positif dans cette aventure de fin d’après-midi : même avec dix minutes de retard, Lucy-Ann était tout de même parvenue à arriver avant la professeure, madame Dyrbova.

— À moins qu’elle ait fait une pause toilettes ? pensa la jeune femme en se massant d’un air distrait l’arrière du genou. Peu importe, ça me laisse quand même quelques minutes pour me reposer avant de débuter le cours de danse « intensive ».

La jeune femme sourit doucement, se demandant ce qui l’attendait pour les semaines à venir, coincée entre quatre murs, ses yeux plantés dans le blanc des yeux d’une parfaite inconnue.

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Too Close for Missiles

Roksana & Lucy-Ann

- проклятый лифт¹, pesta la russe dans sa langue maternelle.

C’est fou, ces bâtiments étaient censés être ultra modernes, et pour trouver les ascenseurs, il fallait faire tout le tour, et attendre une éternité qu’ils descendent ! Enfin… Elle n’avait pas à se plaindre. L’avantage du sixième étage contrairement au rez-de-chaussée était bien évidement la luminosité des pièces. La jeune femme ne pouvait pas s’en plaindre. De plus la hauteur sous plafond étant de quatre mètres à chaque étage, cela donnait une magnifique vue sur l’ensemble de l’avenue. Mais bon Dieu ! Quand se décideront-ils à améliorer leur système d’élévateurs ? Ce n’était pas comme si la jeune femme n’avait que ça à faire. Elle avait un cours d’étirement pour des femmes plus âgées que la moyenne de ses élèves habituelles. Certaines étaient déjà mères d’ailleurs et projetaient de lui amener leurs petites filles un jour. La chorégraphe ne demandait pas mieux.

Mais enfin, ce n’était pas que ça. Elle avait rendez-vous avec Duncan, son receleur, pour lui donner ce que leur dernier client avait « commandé » et Duncan n’était pas très à l’aise avec les retards, ce qui agaçait vraiment Roksana. Elle n’était jamais à l’abri d’une discussion prolongée avec une élève ou un de ses parents. Son emploi du temps n’était pas soumis au caprice du receleur ! Si elle voulait continuer, il fallait qu’elle s’assure une couverture, et ce n’était pas gagné. Partir comme une fusée au moindre signe de vie de Duncan aurait été vraiment trop suspect. Mais pour le moment elle restait calme, elle était dans l’optique professeur et cela n’allait pas changer avant la fin du cours. L’ascenseur arriva enfin, et Roksana y monta, saisissant son téléphone. Elle était en retard… Super ! Prenant son mal en patience, elle mit son smartphone sur silencieux avant de le laisser glisser dans son sac à main, profitant de l’extrême lenteur de l’ascenseur pour retirer ses sandales à talon et les troquer pour ses salomés de danse. Elle était déjà en tenue. Legging noir et tunique orange manche trois quart lui arrivant aux hanches. Elle n’aurait même pas à retirer sa jupe vaporeuse lui arrivant au-dessus des genoux. Elle regarda dans le miroir si son chignon tenait. Pas une mèche ne s’échappait. Satisfaite, elle franchit la porte de l’ascenseur et se dirigea vers sa salle de cours où ses élèves l’attendaient.

-Bonjourrr, excusez-moi d’être en rrretarrrd, commença-t-elle avec un sourire. Un petit soucis avec l’assenceurrr, déjà qu'il faut savoirrr où les trrrouver.

Elle posa sa son immense sac à main à côté de la chaine hifi, et regarda ses élèves, avisant la nouvelle, Lucy-Ann d’après ce qu’elle avait lu sur la fiche d’inscription. Elle prenait ces cours pour ne pas finir en fauteuil roulant, c’était visible avec la canne de la jeune femme. Roksana s’arma de son sourire habituel pour se diriger vers la jeune femme.

-Bonjourrr, vous devez être Lucy-Ann, je me présente, Rrroksana Dyrrrbova, je serai votre professeurrr. On va commencer doucement, je ne voudrrrais pas que vous vous fassiez mal…

Puis elle s’adressa aux autres élèves :

-En place mesdames s’il vous plait…

¹Fichu ascenseur !

Mzlle Alice.

Too close for missiles ❦
ft. Roksana Dyrbova

❝ C’était un cours de femmes adultes, ventant tous combien leurs enfants étaient merveilleux et à quel point ils étaient des êtres fabuleux et géniaux. Lucy-Ann n’avait à priori rien contre les mères mais s’intégrer dans une conversation dont on ne connaît rien, c’est plutôt difficile. Lucy-Ann avait énormément mal au genou droit – il avait choisi le bon moment pour la faire souffrir – et l’enseignante n’avait toujours pas pointé son nez. Lucy-Ann savait que le cours ne durait pas très longtemps et cela lui allait : elle était faite pour bouger, sauter et courir, pas pour parler de couches, de fournitures scolaires et de tartes aux pommes. Heureusement, ses « collègues » de « danse » étaient gentilles et souriantes. Le temps aurait été cinq fois plus long si elles étaient tous des hautaines riches et égoïstes.

— Ça fait au moins un point positif, pensa l’infirmière au moment même où la porte de la pièce s’ouvrit.

C’était une grande femme blonde prête pour la danse (et les sessions d’étirements, surtout). L’enseignante étant en retard, Lucy-Ann s’attendait davantage à voir une femme d’affaires en habits chics mais non, elle était prête et semblait presque plastique tellement tout sur elle donnait l’impression d’être calculé et placé au millimètre près. Il ne faut pas toujours se fier à sa première impression mais, heureusement, celle de Lucy-Ann était plutôt positive pour le moment – si on oublie les quinze minutes de retard, détail qui ne donnait jamais bonne figure. D’un autre côté, Lucy-Ann était elle aussi arrivée après le début du cours, elle n’avait donc pas intérêt à critiquer qui que ce soit sur ce point.

— Bonjour, excusez-moi d’être en retard, un petit souci avec l’ascenseur, déjà qu’il faut savoir les trouver, roucoula l’enseignante une fois installée.

Un souci avec l'ascenseur ? Un souci avec un ascenseur ? Lucy-Ann n’en revenait pas et en rit malgré tout. L’enseignante était en retard pour un problème d’ascenseur alors qu’elle, de son côté, avait gaspillé une éternité à monter les marches une par une aidée de sa canne, étrange hasard. La professeure souriait beaucoup trop, d’un de ses sourires forcés et surnaturels, roulant ses r. Lucy-Ann n’était pas de bonne humeur et ne put se retenir de soupirer : elle allait encore passer pour l’antisociale. Allez, on sourit, se dit l’infirmière en se concentrant sur une pensée joyeuse : celle de son meilleur ami, Dan. Elle était encore un peu sur sa frustration quant au résultat de la prise de sang mais elle s’entendait tellement bien avec lui, elle ne pouvait certainement pas perdre toute sa vie à lui en vouloir, cela ne lui apporterait rien de bon – ni à elle, ni à lui.

L’enseignante s’avança vers elle et se présenta, gentiment, son sourire charmeur toujours accroché au visage.

— On va commencer doucement, je ne voudrais pas vous faire mal.

Lucy-Ann grincha légèrement, elle n’aimait pas s’attirer la pitié des autres. Elle n’était pas en cheminement vers la mort, elle n’était pas entrain de crouler sous une douleur atroce, elle avait encore l’usage de ses deux jambes – simplement au ralenti – et celui, complet, de ses deux bras.

— Ne vous souciez pas de moi, je suis habituée. Faites votre cours, je suivrai.

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❝ Lucy-Ann se mordit la lèvre. Elle n’aimait pas demander une permission, ce que presque tout le monde interprétait comme un passe-droit mais, il fallait bien un ou l’autre qu’elle marche sur son orgueil si elle voulait fonctionner correctement.

— Excusez-moi, je vais m’absenter pour quelques minutes.

Lucy-Ann attendit une approbation qui ne vint pas, se leva et sortit du cours. Elle alla aux toilettes, s’assit sur un siège et massa sa jambe droite puis sa jambe gauche. Cinq minutes plus tard, elle était de retour, sous les regards intrigués ou frustrés des autres femmes. Elle espérait que l’enseignante ne lui en tiendrait pas rigueur – elles n’étaient plus des enfants après tout – mais comme il faut des personnes de tous les genres pour faire un monde, on pouvait s’attendre à tout. Lucy-Ann savait pertinemment qu’elle ne figurait pas parmi les personnes les plus gentilles de cette terre, mais elle avait demandé la permission et était revenue : elle aurait tout aussi bien pu faire son hypocrite et partir sans avertir.

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Roksana & Lucy-Ann

Roksana s’était excusée auprès de ses élèves, et avait commencé son cours. Ce qui était pratique, c’est qu’elle avait une faculté à compartimenter qui lui était d’une grande utilité. Une fois en cours, elle était à fond dans ce qu’elle faisait, y donnait toujours une énergie folle, surtout avec son cour des « grandes », de dix-huit à vingt-cinq ans en général. Elle adorait les enfants, sans être prête à en avoir elle-même, elle n’avait ni trouvé le bon père, ni le temps d’en avoir. Mais elle adorait leurs grands yeux ébahis quand ils arrivaient enfin à se dépasser, comme elle l’avait fait elle-même étant adolescente. Mais il fallait bien avouer qu’avec les adultes, c’était une toute autre histoire. L’ambiance était vraiment différente. Pas mieux, pas pire… juste différente. Il fallait jongler entre celles qui étaient là pour se faire materner, et les autres qui essayaient de faire comprendre à Roksana qu’ici elle était peut être la chef, dehors, elles valaient mieux que cette exilée russe qui n’avait rien à faire là, et qui la prenaient de haut. La jeune femme avait apprit à faire avec. Ce n’était de toute manière pas ce genre de personnes qui la mettait mal à l’aise.

Elle avait choisit une musique relaxante pour commencer doucement l’échauffement. Elle n’avait pas la prétention de faire des chorégraphies avec des mères de familles qui parfois attendaient à peine la fin du cours pour se jeter sur leurs téléphones, des fois que leur travail se soit écroulé, ou que leur précieuse progéniture ait eut un accident de bus, ce qui était passablement improbable. La jeune femme rabattit les deux ou trois mèches qui s’étaient échappées de ses cheveux attachés derrière ses oreilles, et frappa dans ses mains pour que tout le monde se mette en place. Le début n’était pas trop difficile. La totalité du cours consistait de toute façon en différents étirements, le tout pour se maintenir à peu près en forme et rester souple. Il était trop courant de voir des personnes d’un certain âge avoir des problèmes pour se baisser, monter ou descendre les escaliers… Ce cours visait à éviter au maximum ce genre de problèmes. Roksana n’avait pas la prétention de se substituer à la médecine, mais de faire bouger ces femmes qui, pour la plus part, passaient leur temps sur un bureau, ou devant une machine à laver. Rien de plus, rien de moins.

Mais la nouvelle élève était différente. Elle était là pour raison médicale, et la jeune femme ne voulait pas qu’elle risque d’aggraver son problème, aussi avait-elle prit le temps de lui faire une petite recommandation avant de commencer. Sa réponse avait été un peu… froide :

-Ne vous souciez pas de moi, je suis habituée. Faites votre cours, je suivrai.

Roksana avait haussé un sourcil, puis les épaules. De toute façon elle faisait comme elle voulait du moment qu’elle ne perturbait pas le cours. Après un dernier sourire entendu, elle avait fait demi-tour pour prendre sa place devant ses élèves. Les notes avaient signifié le début des exercices et la russe frappa dans ses mains pour attirer l’attention de tous.

-Allons mesdames, allons-y… A drrroite…

Avec son punch habituel, la jeune femme tendis son bras gauche pour faire miroir aux femmes en face d’elle et coucha sa tête contre, la garda quelques minutes, avant de faire de même de l’autre côté. Cela faisait quelques instants que les exercices se faisaient, quand la nouvelle élève sorti du rang, à la surprise de la prof de danse :

-Excusez-moi, je vais m’absenter pour quelques minutes.

Puis elle sortit de la pièce à la surprise de Roksana qui n’avait pas eut le temps de réagir. Elle décida de continuer son cours tout en guettant le retour de la jeune femme, qui ne tarda pas. La russe attendit qu’elle se soit remise à sa place pour couper la musique.

-Aller cherrrcher vos tapis, nous allons attaquer les étirrrements des jambes.

Elle profita du joyeux brouhaha pour s’approcher de Lucy-Ann.

-Ca ne va pas ? demanda-t-elle, un peu inquiète. Elle n’était pas médecin après tout ! Aprrrès tout je ne sais pas si c'est une bonne idée ces courrrs mais si votrre médecin vous les a prrrescrrris c'est qu'il faut que vous fassiez un petit efforrrt...

Roksana venait d'un endroit où on avait pas le droit de s'écouter. Si on avait mal, ce n'était pas grave, il n'y avait qu'à continuer!

Mzlle Alice.