someone has to pay for the little things

« Tu m'en referas un, Matt... » Vingt-deux heures quarante-cinq. Accoudée au comptoir du bar qu'elle fréquentait plusieurs soirs par semaine, Fox interpella nonchalamment le barman, ne lui accordant pas même un regard, plus occupée à observer d'un oeil vide les clients présents sur les lieux. Ce nouveau verre qui atterrit rapidement sous son nez n'était que le deuxième de la soirée, la jeune femme tenait à garder les idées claires et elle ne connaissait que trop bien les effets que trop d'alcool avaient sur son comportement... Aussi s'en tiendrait-elle à un ou deux verres de plus et observerait sa soirée s'achever avec monotonie et lassitude. Rasoirs. Barbantes. Répétitives... Tels étaient les adjectifs qualifiant au mieux les heures qu'elle passait inlassablement assise dans ce bar. Un ennui mortel qu'elle subissait avec une bonne humeur dissimulée... S'il plaisait à Reese de lui infliger cette monotonie, grand bien lui fasse ! Elle crèverait plutôt que d'offrir à son employeur le doux plaisir de la voir jeter l'éponge. Fox... Plus obstinée, tu meurs. Silencieusement, portant froidement son verre à ses lèvres, la jeune femme espérait que cette soirée se déroulerait comme toutes les autres. Calme. Sans problème. Mortellement ennuyeuse. Bien malheureusement, il fallut qu'un connard nommé hasard se tape l'incruste dans la bulle de glace qu'elle s'était construite. Connard de hasard... Deux mots étrangement familiers mis côte à côte.

« Tu m'fais une place entre toi et ton verre, ma jolie ? » Ledit verre ratterrit presque brutalement sur le comptoir. Relevant lentement la tête, Fox posa un regard neutre sur l'homme qui venait de l'aborder avec tant de subtilité. Un homme quelconque. Brun, une barbe de trois jours, débraillé, des santiags accrochées au pied, un verre de whisky à la main et... à l'évidence, saoul. Van Eecken poussa un long soupir dégueulant d'exaspération. Et merde... Un bar plein, des dizaines de bombasses en tout genre, toutes prêtes à se taper le premier venu et il fallait que ce gros naze la choisisse, elle. Vie de merde. Un court instant, Fox accrocha un rictus faussement amusé sur son visage avant de retrouver une sobriété presque dérangeante. Coinçant une clope entre ses lèvres, elle prit comme un moment de réflexion avant de répondre, un calme olympien dans la voix. Dans la voix seulement... « Et si t'allais te faire foutre ? » Bing ! Fox et sa délicatesse naturelle. Tout en finesse cette demoiselle... Comment lui en vouloir ? Celle-ci était déjà bien occupée à maîtriser ce sang-chaud qui brûlait dans ses veines. Et puis... Elle prenait toujours un plaisir certain à se mettre au niveau de ses interlocuteurs. Facile. « Ohoh on joue les farouches ? » L'homme avança une main baladeuse en direction de l'étudiante. Une main que cette dernière esquiva, tout en resserrant vivement sa main sur son verre. Encore un geste comme celui-ci mon gars et ce verre terminera sa course dans ta belle gueule. La mâchoire crispée, Van Eecken jeta à l'inconnu un regard glacial, porta son oeil sur les clients présents et agis comme elle avait l'habitude de faire - sans penser une seule seconde aux conséquences de ses actes. « Lâche-moi, pôv' naze. Joue pas au con si tu veux pas que mon mec te fasse bouffer la chose qui te sers de cerveau. » Presque au hasard, le pouce de la demoiselle se tendit alors en direction d'un jeune homme assis à une table à quelques mètres seulement du comptoir.

La main libre de l'inconnu retomba presque mollement le long de son corps tandis que son attention se portait sur l'homme désigné par Fox. « Ah ouais ? Voyons ça... » Un sourire mauvais accroché aux lèvres, l'homme se tourna alors en direction du soit-disant copain de Van Eecken - un beau brun au regard mutin - et s'en approcha d'un pas incertain. Presque surprise par la situation, Fox pivota sur son siège et observa la scène avec un intérêt emprunt d'un certain amusement. Elle ne connaissait pas le pauvre type qu'elle venait de foutre dans une merde monumentale et, très franchement, elle s'en foutait royalement. « Alors, p'tit con ? On se tape des canons et on les laisse seules au bar ? » Inexplicablement, le poing de l'inconnu au whisky se serra et prit gentiment la direction du visage de celui qu'il avait prit pour cible... Un pauvre bougre qui ne comprendrait certainement pas ce qui lui arrivait.