que signifie le terme d'amour pour ton personnage ? → Pour Alek, je crois que c'est franchement flou. Il a pas été placé en maison pour rien. Si il avait eu l'amour nécessaire dès tout petit, je pense qu'il aurait eu un lien bien différent avec les femmes. L'amour, c'est un truc rassurant pour les gens qu'ont pas confiance. Quelque chose sur lequel s'appuyer, un truc qu'on imagine éternel. C'est pour les rêveurs, les branleurs, ceux qu'ont peur de demain et d'aujourd'hui.

quel est le statut amoureux de ton personnage ? → Célibataire, baiseur à temps partiel. C'aurait été avec plaisir à temps plein, mais j'ai peur que sa main droite ne fasse la gueule. Il ne cherche pas de relation """sérieuse""" pour le moment. Les plans culs, tout ça, pas de soucis. Mais un truc qui tient, genre, nan. Pas pour Alek.

quelles sont les préférences sexuelles de ton personnage ? → Hétéro.

comment ton personnage se voit-il dans l'avenir, du point de vue amoureux ? → Ah bah seul, toujours avec sa main droite (et ce qui va avec, quand même, ça craint sinon). Après, qui sait, peut-être qu'il se réveillera, qu'il arrêtera de boire comme un trou et de se jeter dans d'autres (cherchez la subtilité). J'ai pas encore de boule de cristal. Je pense pas qu'il cherche à réellement se cacher de l'amour, du coup de foudre ou de toutes ces conneries là. Il attend de voir. Il cherche pas, il attend. Un branleur, un vrai de vrai.

Finalement, depuis le début, rien ne s’est passé comme il fallait. A croire que je suis destiné à vivre plongé dans la merde jusqu’aux genoux. Qui sait. Peut-être que le chien là haut s’est tapé deux trois délires et a décidé de faire une liste sur les gens qui n’auraient jamais de chance tout au long de leur existence. Quoique, nan, j’ai quand même eu de la chance. J’ai rencontré Aloïs. Mais ça, ça vient après.

J’suis né quelque part en Russie, j’sais pas trop où, enfin si c’est noté sur un papier mais j’sais plus. J’m’en rappelle pas, de toute façon. J’suis né dans une famille de paysans en plein dans la campagne, dans le nord, là où il fait froid. L’assistante sociale m’avait montré des photos. On avait trois chiens et une vache. J’avais quatre frère et deux sœurs, aussi. J’les ai jamais connues. Enfin, si, bien sûr, tout petit. Ils m’ont foutu à l’adoption quand j’avais 3 ans, faute de moyens. J’ai passé un an dans un foyer près de Moscou, puis une famille américaine s’est intéressé à mon cas. Pourquoi une famille américaine ? Ca, j’en sais rien. J’crois que les procédures d’adoption sont trop casse-couilles là-bas, alors ils sont venus jusqu’en Russie. Ils étaient friqués. J’ai passé trois ans chez eux, puis ils ont été obligés de me renvoyer dans un genre d’orphelinat, mais aux Etats-Unis. Entre temps, ils m’avaient eu la nationalité. J’ai même pris leur nom. J’crois qu’ils m’ont refoutu à l’adoption parce que les services sociaux ont appris que le mec tapait sa nana. Erick et Jessica, ils s’appelaient. Donc retour à la case départ. Cette fois-ci ça a été plus court : j’ai vite été envoyé un foyer d’accueil, mais temporairement. Un an. C’était des cons. J’avais six ans, ils s’attendaient à ce que je sois l’enfant sain. Alors j’ai rechangé. J’ai fait cinq ou six familles en sept ans. Trois jours après mon quinzième anniversaire, ils m’ont envoyé dans une nouvelle famille, me promettant que celle-ci serait la bonne. Ils m’ont dit que j’aurais un nouveau frère. Pour une fois, ils avaient raison. J’ai vraiment trouvé un frère, là-bas.

La première fois que j’ai vu Aloïs, j’l’ai pris pour un con. Il était là, avec sa belle gueule, tout maigrelet, des cernes sous les yeux, mou comme un ver, et paraissait aussi érudit qu’une branche. Le dicton qui dit que la première impression est toujours la bonne, ben c’est des conneries. On partageait la même chambre, alors forcément, ça crée des liens. J’ai jamais lié une amitié comme celle-là. A l’époque j’commençais à penser que l’amour et l’amitié c’était pour les tafioles, que moi, j’avais pas besoin de ça. Que de toute façon je savais pas vraiment ce que c’était, alors voilà, m’en branle. J’ai eu tort. J’ai souvent eu tort, dans ma vie, en fait. Aloïs est sûrement la meilleure chose qui me soit arrivé.

Il était lui aussi un enfant adopté, une autre merde jetée au bord de la route, qui a été ramassée par un couple stérile avec le cœur sur la main. Ils étaient pas méchants. Un peu cons. Laxistes. Trop heureux d’avoir des enfants, ils nous laissaient tout faire, pardonnaient nos erreurs, et disaient amen à nos conneries. On a tout fait, j’crois. Absolument tout. Le lycée avait eu la connerie de nous mettre dans la même classe, en pensant que comme ça, on vivrait mieux notre situation. Tu parles. Enfin, ouais, ouais, on l’a mieux vécu, bien sûr, mais c’était débile de leur part. Putain, le nombre de saloperies qu’on a pu faire tous les deux. Il m’a fait fumer mon premier joint, j’ai pris ma première cuite avec lui, il m’a présenté ma première baise, on a volé des chips dans une station service, frappé le même mec, torturé la même souris, tagué les mêmes murs, séché les mêmes cours, dragué les mêmes nanas, et tout le reste. J’pourrais écrire un bouquin sur les conneries qu’on a fait tous les deux. Et aussi, le nombre de fois où on s’est foutu sur la gueule… j’ai jamais pété autant de fois le même nez. Cet enculé a même réussi à me casser le pouce, un jour. Mais putain, peu importe le nombre de coups, d’insultes ou de coups de pute, on s’est jamais laissé tomber. Jamais.

Et puis un jour on a grandi. Evidemment, on a merdé en cours, on a pas eu nos diplômes et on a jamais continué les études. C’pas pour autant qu’on s’est quittés, hein. On a chacun nos apparts, moi j’ai un petit boulot alimentaire, j’sers des verres dans un bar pourri. Aloïs, lui, il a trouvé une meuf. Miléva. Ca aussi, c’une putain de connerie. J’ai baisé Miléva avant lui. J’l’avais rencontrée dans un bar, un soir de merde, on a bu, on a parlé, j’l’ai ramenée chez moi, et on a baisé. Rien de plus, hein. C’était une meuf comme une autre, j’m’en foutais, mais j’l’ai baisée. Et Alo’ l’a rencontrée quelques mois après, me l’a présentée, tout ça… putain, j’crois que c’était l’un des moments les plus gênants de ma vie. Il m’avait parlée d’elle comme étant une perle rare, tout ça, il était amoureux, blablabla. Bon, ils ont la relation la plus chelou qui existe, mais ils ont pas l’air prêt à se séparer l’un de l’autre. En temps normal, j’l’aurais laissé vivre sa vie, parce que j’m’en fous de ce qu’il fait avec sa bite, mais là, non. Ca fait des mois que je met tout en œuvre pour qu’ils rompent, parce que je supporterai pas l’idée qu’Aloïs apprennent un jour que j’ai baisé sa copine. J’le connais, je connais ses réactions, et j’préfère pas m’y tenter. Alors ouais. Ouais. C’est peut-être super égoïste, mais en me protégeant, j’le protège. Parce que comme toujours, s’il tombe, je tombe avec lui.