Bayswater ; un après-midi d’été.« Madame a dit qu’il ne faut pas toucher à ça ! » Trop tard… Un rire bruyant anime toute la maison. Une petite blonde fait les cent pas, court un peu partout. Cette gamine met les nerfs de sa nourrice à rude épreuve. La nourrice en question à une quarantaine d’années, elle s’est vantée s’être occupée d’enfants les plus teigneux ; c’est bien pour cela que
Laoise Elizabeth O’Dywer l’a embauché. Elle cherche surtout à ce que quelqu’un arrive à gérer sa fille, tandis qu’elle bien trop occupée dans ses multiples thés peut se vanter d’être une fille totalement libérée. Le père
James Nathanaël Dereham (quand Blondie le voit) porte un de ses polos a la marque prisée des golfeurs. Réunis on penserait au stéréotype de la famille huppée de Londres.
Ráichéal tient dans sa main une bouteille de parfum, un de ces parfums qui coûtent bien trop chers mais que sa mère aime acheter en gros volume pour montrer à qui veut l’entendre qu’elle en a les moyens. Premier méfait achevé, le trouvant un peu trop lourd pour elle l’enfant décide d’en verser un peu dans la baignoire.
La baignoire en plus de briller sent merveilleusement bon, à nouveau prête à continuer sa bêtise elle emprunte les passages « secrets ». Avec la succession de nourrices qu’elle a eu, et leur durée en moyenne, elle réussit à se faufiler, et à les éviter. A se cacher derrière les plus hauts meubles, ou a ne pas être effrayée par le grenier. Quand on la voit pour la première fois on penserait avoir sous les yeux une poupée : bien apprêtée, yeux pétillants.
Sauf qu’une fois bien mise en confiance la poupée devient robot. Et un robot aux multiples mauvaises intentions. Sa nourrice l’appelle, pensant encore que l’avoir par les sentiments fonctionnerait. Ráichéal est déjà dans son coin, pensant déjà à la manière dont elle ferait passer cet exploit à ses parents ; et surtout de la façon de faire accuser sa nourrice.
***
« Mademoiselle, la leçon n’est pas encore terminée…Concentrez-vous s’il vous plait ! » Ses yeux azurs observent avec une profonde envie le jardin de leur maison. L’été est digne de ce nom cette année et normalement elle devrait largement en profiter, jouer avec les enfants des voisins, ou avec ses cousins. Mais son père veut absolument lui révéler un don en musique, il est persuadé que sa fille est mélomane. Qu’elle va être douée à ça. Alors les cours de piano sont intensifs, l’année scolaire est rythmée de notes et des devoirs. Son été de contrôles de solfège. Ràichéal est âgée d’une dizaine d’années, son caractère ne cesse de s’affirmer. Ses parents craignant pour leur nom et leur réputation se montrent bien plus strictes qu’avant tout en restant toujours autant absents. Portant la musique en horreur, elle griffonne sur les moindres partitions, n’épargne pas son professeur. Et n’écoute qu’une fois sur trois.
« Terminée ou pas, votre paie sera à l’identique. » A entendre ses répliques, sortir d’un petit corps encore fragile on pense halluciner. Qualifiée d’insolente, et d’hautaine elle mène à la baguette tout le personnel.
Décrétant que le supplice avait suffisamment duré, elle se hisse du banc et quitte la pièce : sous les menaces irréalisables de son professeur. Elle sait que son père a beau se montrer sévère, personne n’a le droit de critiquer sa petite fille. Et que le professeur aurait beaucoup plus à y perdre qu’à y gagner.
Son regard se fige sur un vase que sa grand-mère maternelle (héritière irlandaise) a offert et qu’elle a trouvé dés son arrivée immensément laid. Lâchant un petit rire narquois et mauvais, elle le prend et sans aucune gêne le lâche, le laissant se fracasser sur le sol. Ce à quoi elle accompagne de chaudes larmes. La nourrice accourt le souffle coupé imaginant déjà le pire.
« Il me traite d’incapable… Me dis que je ne…que je ne…réussirais jamais. Alors je me suis énervée, j’ai donné un coup sur le meuble…Et…Et le vase s’est casé… » Reniflant bruyamment elle vient de signer l’arrêt du contrat du monsieur qui selon-elle est responsable de son enferment. A défaut de s’attaquer franchement à son père, elle met sur le carreau tout ceux qui ne représentent rien pour elle.
Lycée français Charles de Gaule ; une matinée de printemps. « Un jour Dereham tu nous le paieras … » Le lycée français Charles de Gaule situé non loin de chez blondie est souvent le théâtre de querelle en tout genre. La plupart du temps rien de bien méchant, mais notre Siloë internationale a le don de mettre le feu aux poudres en moins de deux. Le lycée bien que sensible à la question de l’égalité entre tous les élèves n’arrive pas à gérer les têtes de classes qui issues des plus grandes familles nobles prennent cette institution comme endroit pour y faire régner leurs lois. Blondie y fait partie, et tient absolument à conserver ce clivage entre fortunés et boursiers.
Quand une des rares élèves boursières termina de lui tenir tête, la jeune femme n’interrompit en aucun cas son occupation. L’ajustement du gloss sur ses lèvres lui demande énormément de concentration. La laissant terminer en la laissant penser qu’elle détenait les cartes en mains. Rach’ se retourne et d’un sourire narquois réplique :
« Pensez à l’Etat et à vos parents qui s’endettent pour vous… Respectez-les et contentez-vous de devenir un investissement correct… » Son regard devient assassin, et elle quitte les toilettes des filles dans un silence religieux. Tout le monde s’habitue à ses mesquineries et venant d’une des élèves les plus brillantes et influentes les reproches se font rares. Elle se dirige ensuite vers sa salle de classe, son uniforme sur-mesure, sa jupe qui flotte légèrement. Sa silhouette attire déjà les regards, elle est connue pour flirter on lui donne déjà plusieurs histoires non-sérieuses. La jeune femme ne contredit pas, et n’affirme pas pour autant. Elle veut quelqu’un qui la mérite, et qui arrive à l’aimer comme elle s’aime. Chacune de ses histoires se sont mal terminées ; la faute à de mauvaises intentions, des perceptives différentes.
Blondie a toujours cherché à s’investir dans ses relations, à se projeter mais visiblement cela effraie les jeunes hommes du lycée. Alors elle conserve son image de lolita fatale, de grande flambeuse pour s’occuper de l’esprit d’une certaine façon.
Université de Cambridge ; un soir d'automne. « Alors, Alors avec ce type là c’est du sérieux ? » Siloë suspicieuse n’est pas du genre à se confier facilement. En réalité, cette question l’agace au plus haut point. Si dans les séries les copines de chambrées deviennent une sorte de meilleure amie, pour la jolie blonde elles n’étaient que de simples collègues. Donc inutile de forcer la main, elle ne dira rien. Son regard vagabonde entre son bureau, ses livres d’anatomie et de biologie. Elle s’aventure dans un cursus long et compliqué, mais arrive quand même à trouver le temps de niaiser comme une adolescente. Le fautif ? Destan… Rien que son nom provoque un nœud dans l’estomac, elle en est folle. Il pourrait lui demander de faire ses valises et partir d’ici qu’elle en serait capable. Ce qui la rend beaucoup plus vulnérable ainsi, la crainte d’être abusée, qu’il se joue d’elle pèse lourd dans son esprit. Mais ses doutes s’estompent en un rien de temps, il lui procure une sensation inexplicable. Elle l’a dans la peau, et dans le cœur.
Alors si c’est ça être sérieux ? Il l’est totalement et encore plus que mesure. Rien que d y penser elle a envie de se précipiter vers son dortoir, qu’il fasse nuit et que les déplacements entre dortoirs de sexe différents soient interdits elle s’en fiche. Pour lui et sa belle gueule elle serait capable de faire le mur et de risquer son propre avenir. Certaines de ses camarades lui font la remarque de s’être adoucie, de moins faire un étalage de sa richesse…
C’est normal avec la fortune de Destan et la sienne ils pourraient acheter Cambridge et y virer tous les élèves. Elle se verrait bien dans le conseil d’administration pour y soigneusement contrôler les admissions des nouveaux entrants. Sa colocataire silencieuse la fixe avec excitation. Elle n’est pas vraiment méchante, et a toujours supporté Siloë pendant ses caprices alors une petite confession ne ferait pas de mal.
« On va à nôtre rythme… Disons que comparés à certains garçons que j’ai fréquenté Destan les bats à plate couture. » Elle est encore au stade de l’idéaliser, oui oui Dereham qui arrive à complimenter quelqu’un. Elle se demande si elle en a trop dit ou pas assez ? Les étudiants ont la fâcheuse manie de pronostiquer sur la durée de vie moyenne des couples qui naissent au sein de l’établissement. Et bien qu’elle affirme s’en ficher éperdument, elle fait tout pour prouver qu’ils vont durer.
Bayswater ; une soirée d'hiver.« Félicitations aux futurs mariés ! » La voix de sa mère monte dans les aigus, à sa tête on devine bien qu’elle est satisfaite du choix de fille. Elle qui craignait tant qu’elle lui apporte quelqu’un de la classe moyenne et qu’elle essaie de l’intégrer à leur monde. La famille Moriarty est connue et reconnue, et déjà quelques années plutôt on enviait la future jeune femme qui pourrait épouser le parfait Destan. Pour être parfait il l’était, Siloë n’avait jamais connu tel bonheur. Même si leurs caractères pouvaient être exécrables entre eux l’alchimie était totale. Destan attire les regards, Siloë aussi. D’une jalousie maladive elle ne peut s’empêcher de sortir les griffes dés qu’elle sent une menace. Là dans leur grande salle de réception de la maison familiale elle se sent en sécurité entourée des siens. Même sa colocataire de chambre est là, en fin de compte elle est devenue une très bonne amie (une des rares en fait). Son futur mari la tient par la taille, et dépose un baiser sur son front. Les yeux fermés elle donnerait père et mère pour que cette histoire dure une éternité.
Rouvrant les yeux, elle remarque son regard nostalgique, légèrement triste.
« Là où il est il est très fier de toi…Ne t’inquiètes pas pour ça. » Prononce t-elle à demi-mots. Référence au père du jeune homme dont la perte l’affecte encore un peu. Elle le trouve encore plus humain ainsi. A son tour elle dépose un baiser sur sa joue et pose sa tête contre son torse. Cette soirée pour célébrer leurs fiançailles n’est que le début, le reste des préparatifs commencera très bientôt. Et perfectionniste comme elle est cela risque de lui prendre autant d’énergie que ses cours. Sa mère et sa belle-mère ont déjà la liste des invités, et leurs petites exigences particulières. Siloë pousse un soupir, il dépose un baiser sur son épaule ; tout va bien, tout ira bien…
Lâchant un petit rire, elle relève la tête et lui affiche un sourire espiègle. Elle se tourne vers les invités et annonce :
« Merci encore pour cette soirée… Mais Destan et moi avons des examens demain matin, nous nous excusons de nous éclipser mais promis pour le mariage nous tiendrons jusqu’au bout de la nuit ! » Ses parents lui adressent un sourire bienveillant (sûrement la première fois) elle a l’impression qu’elle pourrait dire ce qu’elle avait vraiment derrière la tête qu’ils ne diraient rien. Fixant à nouveau Destan, ne le laissant dire un mot elle ouvre la porte de la salle l’entraîne avec elle et la referme d’un coup sec :
« Et nous mon cœur nous avons une nuit de fiançailles à célébrer surtout. » Attrapant ses lèvres, elle défait habilement sa cravate qu’elle jette sur le sol. Elle n’a pas à regarder où elle va, ses pieds les mènent où elle veut.
Cambridge ; une matinée de printemps.La soirée de célébrations de leurs fiançailles semble dater de plus d’un an, mais la bague qui orne son doigt peut en témoigner. Elle a eu un an il y a quelques semaines. Siloë essaie de continuer à garder une légère avance sur ses cours, chose qui devient difficile vu les allers/retours qu’elle effectue entre l’université et l’appartement qu’ils ont achetés avec Destan. Quand elle était encore au dortoir tout était plus simple et puis les premiers mois avaient été idylliques. Là depuis que Destan avait quitté l’appartement tout était devenu monotone. Mais cette dépression il fallait qu’elle la garde dans un coin de sa tête, qu’elle ne montre à personne à quel point elle est blessée et à quel point elle lui en veut. Son père s’est montré compréhensif, sa mère un peu moins. Lui avouant que son mari l’avait trompé mais qu’elle avait fermé les yeux et que sa fille aurait donc dû faire pareil ; la notion de sacrifice vous voyez… En une année ils ont eu tellement de bons souvenirs qu’elle préfère s’enfermer dedans. Le prenant tellement pour l’homme idéal elle n’avait pas pensé une seule seconde qu’il pourrait être capable du pire. Elle aurait cent fois plus préféré qu’il s’implique dans une histoire pas très claire d’argent ou de fraude plutôt que ça…
Elle s’aventure dans la cuisine et sa gorge se serre, il y a 48 heures c’est à cet endroit où elle lui a demandé des détails sur cette « histoire ». Des détails à s’en tordre le cœur, à lui arracher des larmes de douleur, mais nécessaire à sa compréhension. Elle lui a redemandé maintes et maintes fois de répéter l’historie et la cuisine reste maintenant la pièce renvoyant ces images. Allant rechercher son sac dans la salle de bains, elle ne se souvient plus que de cet endroit où elle s’est enfermée pour pleurer. En y repensant elle en a honte, comment une jeune femme aussi forte puisse en arriver à là.
Toutes les pièces de son appartement lui renvoient de mauvais souvenirs, elle ne peut pas continuer à vivre ici et croiser leurs voisins. Devoir afficher un sourire fébrile et être heureuse quand même, supporter les questions banales qui veulent en demander tellement plus. Et continuer d’aller à l’université et le croiser. Elle se verrait bien le rendre jaloux, lui afficher un bonheur même irréel pour le faire souffrir comme elle a souffert.
Siloë prend son sac, et ses clefs. Elle jette une dernière fois un coup d’œil sur l’ensemble du salon, sur tout ce qu’elle a vécu ici. Ses affaires sont sur la route pour l’Arizona. On ne peut pas dire qu’elle voit les choses en petit format. Elle sait aussi que leur cursus universitaire n’a rien à envier sur celui de Cambridge et qu’au point de vue médical ils ont leur points forts. Ses parents ne se sont pas montrés récalcitrants, au final tant qu’elle n’est plus dans leurs pattes ils sont contents. Son père est même prêt à continuer à remplir son compte tous les mois comme si rien n’était. En fait il ne veut pas gâcher la relation qu’il entretient avec certains Moriarty, leurs dimanches sur les terrains de golf seraient très enrichissant apparemment. Alors il ne se prononce pas franchement et se contente de consoler superficiellement le chagrin de sa fille. Ses talons claquent une dernière fois le parquet brillant, et la porte d’entrée se ferme dans un bruit sourd. Ironiquement ça ne laisse pas tous ses soucis de l’autre côté, elle les traîne toujours avec elle. Descendant les marches d’une démarche assurée, elle retrouve l’agent immobilier qui leur avait trouvé cette appartement un an et quelques mois plus tôt. Cette fois ci il a prévu des visites de l’appartement, et tient des contrats en main. La boucle est bouclée…
Lui tendant les clefs elle lui adresse un sourire franc, et repense qu’à leur première rencontre il ne s’était pas dérangé pour la draguer ouvertement. Là il reste courtois au possible, le strict minimum.
« Ne me contactez pas pour signer ou une connerie du genre, je ne serai plus disponible. Vous parlerez avec Mr Moriarty. » Neutre et ton glacial, ils ont beau signés le bail ensemble Blondie ne veut absolument plus le revoir. Même le temps de dix minutes. Ses prunelles azurées se figent sur les premiers visiteurs, un couple à peine plus vieux qu’eux. La jeune femme est brune, de taille moyenne, son compagnon blond plus petit qu’elle. Elle devine à leur allure qu’ils ne viennent pas des environs, instantanément elle les envie. Parce qu’ils vivront dans un appartement magnifique, à deux amoureux. Et puis parce qu’en même temps elle se revoit mettre les pieds la première fois ici, pousser des « oh » de surprise et se faire pincer par Destan pour éviter de trop montrer sa joie.
Elle ne leur accorde pourtant pas un seul regard, ni même un bonjour, bien trop pressée à quitter cet endroit de malheur. A tourner la page, à arrêter de penser à Lui. Ne plus avoir ces réflexes de vie commune, aller de l’avant. Belle et ambitieuse comme elle, ça ne serait qu’une question de temps…