« C'est donc vous ? Le prochain candidat à l'échafaud» Son regard sur moi, le vert de ses iris, la mine impassible, soit disant impassible parce que là, insidieuse, la tristesse régnait. Elle lui empoignait le coeur, lui piétinait les entrailles. Elle pleurait, refoulant à l'intérieur l'ouragan qui sévissait faisant rage sur ses boyaux. Son noble organe était piégé, la peur, ouai, la crainte de mourir : persécutée, elle était. Dans son regard, j'avais compris, j'avais su. Savoir dès le début retire tout suspense. Sa fin, la mienne, m'étaient clairement apparues. Colombe de la paix, je te rends ta liberté. Ouch, elle se scratch sur le sol, un branleur lui a tiré dessus. La paix est proche, plus elle se rapprochait, plus elle s'éloignait. Idiot, l'espoir, petit connard, il se faisait la malle, taillant la route tel un lâche. Plantant mon regard dans l'sien, noyant mes billes dans l'lac de ses yeux, je crachai : « Et vous ? Ca vous fait quoi d'être en sursis ? » Sec, pour ma part, touchée pour la sienne nous nous étions écorchés à peine rencontrés. Enchanté, ma belle. Enchanté, Calhoun Perry Whitfield. Emilia, n'est-ce pas ?

« Pourriez-vous allez voir ailleurs si j'y suis ? » « Pourquoi rester polie, hein ? J'peux aller m'faire foutre 'suffit que vous me donniez quelques indications avant» nôtre façon de faire, la mienne : brique, la sienne : dentelle, subtile. J'étais le bad cop qu'on lui avait refilé, l'espèce d'effet indésirable, son acnée. Elle : mon boulet. La mission sur laquelle je n'aurai jamais voulu tombé. Nous étions faits comme des rats : faits l'un pour l'autre, alors ? N'est-ce pas ? « Ecoutez arrêtez de paniquer, tout va bien s'passer » « Arrêtez de prendre les gens pour des cons. Tout va bien se passer ? Dans quel monde ? Depuis quand les témoins survivents, hein ? Vous pensez que j'ai de l'avenir ? Sérieusement, vous et moi savons ce qui va arriver et ça ne sera pas beau à voir. La protection des témoins est un protocole inutile. Est-ce que vous croyez qu'un requin ne mache pas sa proie ? Grossière erreur.» Ses paroles : véridiques, je venais d'être soufflé comme une bougie. Eteint par la vérité qui suintait de ses mots, touché à mon tour je fus, pauv' con. Je m'attachais. Mes ailes, déployées sur elle, cherchant par un moyen quelconque de lui venir en aide. Le ponte, l'ennemi avait le bras long. Les jours défilèrent rapides, trop rapides et cette deuxième vie me fit perdre l'envie de vivre. A ses côtés, je perdais tout, starting by mon âme. Donnée en offrande.


« Calme-toi, Emilia» Elle faisait les cents pas, dans cette petite chambre de motel à la moquette tâchée, aux draps suspicieux, à la lampe de chevet cassée, brisée comme nos existence, laissées en suspens dans le vide, sur un fil si mince, frontière entre la vie et la mort « Nan, nan, je ne veux pas me calmer, Perry. T'entends ? » Les yeux rougis, elle me faisait face, le temps nous avait aidé : « Ne craque pas maintenant, pas maintenant que tu vois le bout du chemin, ce serait con»« Aussi con que de penser qu'il y aurait un échappatoire ? J'en doute. » Cela faisait un an que nous nous cachions, je vivais d'appels téléphoniques, de rencontres secrètes avec ma fiancée alors qu'elle, ma belle, elle, elle se cachait telle un oiseau, pour mourir. Laissant sa cigarette s'éteindre en silence, calcinée dans un cendrier fatidique : destinée de merde. Le temps : honnêtement, il change les gens, il les foudroit. Je m'approchai d'elle alors, prenant son visage entre mes mains, tentant de l'apaiser, je la vis se détendre, vriller sous mon contact, perdre sa contenance et fondre en larmes « J'en ai marre, Perry» « J'en ai marre, aussi» . Des deux policiers chargés de l'affaire, j'étais celui qui s'était impliqué. Bordel de merde, quelle idée. Le cellulaire intraçable sonna, réveillant nos coeurs, leur filant une tachyarythmie, l'envie d'un stop, nervous breakdown, bye-bye. La lumière au bout du chemin, elle s'était éteinte, plongeant ma belle dans le noir, m'octroyant une colère, une rage incommensurable. Pas possible, le procès était encore ajourné, reporté au mois d'après, même danse même danse à chaque fois : « Range tes affaires, Emilia. On s'tire » Je tirai sur la crosse de mon arme, la voiture garée en face de notre porte nous attendait, l'Arizona, hein ? Home sweet Home. Je ne voulais pas qu'elle meurt, elle ne voulait pas mourir. L'équation : simple. Nous roulâmes jusqu'au premier relais autoroute puis nous changeâme de véhicule. Se faire tout petits, tout petits ensembles. Un ami - faussaire- nous procura de faux papiers d'identités. Nous étions désormais : Monsieur et Madame Whilobey. Partir au bout du monde ? Je l'aurai fait, je l'aurai fait pour elle. Abandonner ma vie ? Je l'ai fait. Ne jamais s'attacher, n'est-ce pas ?

« Tu l'as appelé ? » Sicillia, oui, je lui devais bien ça, la femme que j'aimais, hein? Paumé, je ne savais plus sur quel pied danser. Emilia ne m'aidait pas, elle m'enfonçait. Un regard circonspect suffit à attiser sa fureur, elle avait coupé tout contact alors que je m'octroyais le droit de poursuivre mes petites affaires. Je n'avais pas le droit : « Bientôt tu pourras contacter ta famille» « Ton " bientôt", il s'éternise. » « On doit s'faire oublier, on ne doit pas se faire remarquer. Tu as appliqué le papier journal sur les fenêtres du premier étage ? » Un hochement de tête me donnait l'information demandée : non, elle attendait qu'il fasse nuit pour - justement- pas attirer les soupçons : « J'ai trouvé un job, dans une fabrique de jouets » , un sourire étira mes lèvres, des jouets ? Moi ? Travail à la chaîne, magnifique, pour elle, je le faisais, uniquement pour elle alors.

« Pis dis-toi que je le fais pour toi», une main vint caresser sa joue, cette maison meublée dans laquelle nous coulions des jours " heureux", ça frôlait l'irréel. Envie d'rêver ? Oui. Et puis un jour, de manière inattendue, c'est arrivé, bagarre, dispute phénoménale : « Pourquoi tu as fait ça ?» hurlais-je, passant une main sur mon visage, fatigué, je ne dormais plus : « Manger des tonnes de cachets ? Te suicider ? C'pas digne de toi» j'avais eu la bonne idée de remplacer les médicaments par des bonbons à suçoter, la bonne idée, ouai. Emmerdeuse : « Je n'en peux plus, je n'en peux plus, j'veux partir. Je ne sais même plus c'qui est digne de moi » « Tu crois que faire un job qui m'plait pas c'est digne de moi ? Bordel, Mily, qu'est-ce qui t'arrive » « Ce qui m'arrive ? T'es qu'un beau salop, tu ne sais donc pas ?» La colère lisible, les traits crispés nous nous faisions face comme deux félins prêts à se sauter à la gorge : vise la jugulaire, vise la jugulaire : elle s'apprêtait à claquer la porte, ma main la retint par le poignet involontaire ? Désiré, j'dirai. Mes lèvres se plaquèrent sur les siennes tandis que mes mains descendirent sans s'faire prier sur ses reins laissant dans un preste mouvement son corps se soulever, ses jambes encercler ma taille : moi tarzan, elle lianne. Notre dispute se poursuivit placardée sur un mur, couchée sur un canapé de fortune : couillée par notre frustration. Si je l'aimais ? Là n'est plus la question. Nous étions deux dans la même merde, enlisés profond. Si je l'aimais ? Je l'aime, là, n'est pas la question.