Le début, la fin où est la différence à peine ça commence qu'on est d'jà largués...
❝L'amour est un tyran qui n'épargne personne❞
J’avançai le souffle court, prêt à bondir : franchement irrité. En retard, qui plus est. Complétement à la ramasse, la date butoir filant entre mes doigts, les minutes me faisaient défaut, je tentai désespérément de monter dans ce maudit tramway, Cancun 2009,Mexique. Rien qu’un ensemble de piaillement en espagnol parvenait à mes tympans. Je priai pour que le temps suspende son vol, qu’il se fige momentanément, m’offrant là une voie de secours. Rien, je perdais tout au fur et à mesure que l’horloge tournait. Au pied de l’immeuble menant aux locaux de la fameuse maison d’édition -chez laquelle je travaillais d’arrache-pied depuis plus de deux ans : couverture du moment visant à mettre la main sur un trafic de drogue, de la merde- je pilais, cédant le passage forcé à une brindille, crachant un simple :
«Merci, hein » . Son manque de politesse eut le don de porter le coup de grâce, je m’apprêtai à en faire tout un fromage lorsqu’elle se contenta de me snober, trop furtive pour sa part, trop en retard pour la mienne, je décidai de laisser couler, magnanime sur l’instant.
L’entretient en compagnie du grand patron ( aka le big boss) n’avait pas été si déplaisant. Je rentrai donc chez moi, en sursit mais néanmoins assez content d’avoir conservé mon "poste" ( ma couverture). Un sourire étira mes lèvres lorsque je recroisai la « brindille » qui elle- contrairement à moi- semblait effondrée.
«Vous avez appris la politesse entre temps ?» Son regard – particulièrement bleu- se posa sur moi, son visage se mue en une moue indescriptible. Sa grimace me parut être un sourire. Elle arqua un sourcil, l’air défiant :
« Je ne comprends pas un seul mot d'anglais, espèce de petit merdeux ». Italienne ? Affirmatif, il n’y avait pas de doute possible, chacune de ses paroles était hachée d’un accent effroyable pour quiconque ne parlant pas couramment l’anglais. Je compris que la lueur qui animait son regard n’était due qu’à un excès de confiance en elle, jolie brune qui pensait -à l’heure qu’il était- que je n’étais qu’un sot de plus. Un simple américain qui ne captait pas une seule de ses paroles. Son insulte aurait pu éveiller mes nerfs, ce fut le contraire, je me mis à rire. Sous son effarement, je répliquai dans un parfait italien (étant italien d’origine) :
« Heureusement pour vous que j’ai l’sang-froid. » Lorsqu’elle se mordit la lèvre inférieure, confuse. Lorsqu’elle s’empourpra légèrement, lorsque ses lèvres se mirent à bouger en de simples excuses, c’est là, je crois. C’est à ce moment précis que son visage est devenu pour moi source de fascination. Nous prîmes les fines gouttelettes de pluie qui vinrent nous caresser les joues comme témoins. Tant pis si cela peut paraitre niais : je fus captif avant même d’avoir bataillé.
« Vous m’suivez ? » crachais-je, taquin. Une tasse de café à la main. Des yeux, je décidai de la couver. Mal à l’aise, elle se mit à épousseter son veston, l’air de dire :
« Laissez-moi tranquille, vieux pervers ». Un sourire étira mes lèvres, bordel cela devenait un automatisme à sa vue :
« N’importe quoi, mon amie habite à dix minutes d’ici …et puis, cette ville est TROP petite aussi, ce n’est pas d’ma faute si à chaque fois que je mets le nez dehors, je tombe sur vous ». Une mèche retombait sur ses yeux, j’aurai voulu passer une main dans ses cheveux, l’aider à la peigner, la remettre derrière son oreille, sentir sa peau. Je ne le fis pas, préférant garder une certaine contenance. Tuez-moi, mes doigts me démangeaient. De véritables traitres.
« Vous travaillez ici ? » sans préammbule, grande indiscrétion :
« Ce ne sont pas vos oignons ». Vent intergalactique, tourbillon cosmique. En langage terrien, je dirai : râteau.
« Et si on arrêtais de se leurrer ? On est adulte, n’est-ce pas ? » Lançai-je, une pile de paperasse en main :
« Je ne crois pas une seconde à vos méchancetés… ». Elle planta son regard dans le mien tandis que je retenais un ENIEME sourire. Avais-je tant que cela l’air niais ?
« Nos chamailleries ne sont que le fruit d’une certaine tension sexuelle ». Elle recracha aussitôt la gorgée d’eau qui se trouvait dans sa bouche, stupéfaite de mon culot :
« Tension quoi ? Non mais ça n’va pas bien dans vot’ tête ». Fulmina-t-elle, perdue.
« Vous n’allez tout de même pas m’faire croire que je ne vous fais aucun effet ? ». Ses épaules d’affaissèrent alors qu’un rictus prenait place sur son visage :
« En effet, vous m’faites l’effet d’une poussée d’urticaire ». Râteau n° 2, ça aussi, ça devenait une putain d’habitude. Merde quoi, qu'est-ce qu'elle avait cette nana ? Surement des goûts de chiottes.
Je décidai d’ignorer la demoiselle. Nos regards ne se croisèrent plus quand bien même je tombais sur elle, je changeais de rive. Mon orgueil touché, je reçus le même mois, la visite de ma mère , allez savoir comment est-ce que le mater avait réussi à obtenir mes coordonnées, ma position géographique ( de quoi, en gros : foutre en l'air ma mission incognito, les mères, boulet de la naissance à...durée indéterminée). Nous nous promenions tous deux dans les allées marchandes, parlants de tout avant tout de rien :
« Et tu te plais vraiment ici, Perry ? », elle avait toujours pour habitude d’user de mon second prénom :
« Bien sûr, ce n’est pas San Francisco mais… ». Un rire surgit d’entre ses lèvres tandis qu’elle s’agrippait davantage à mon avant-bras.
« Chéri, qu’est-ce qui t’empêche de faire un tour du côté d'Arizona, ton oncle te propose une place au sein de son garage ». Parce que, point. Retomber dans la spirale infernale d’une dépendance familiale, crever aurait été plus approprié.
« Être larbin ? Ce n’est pas pour moi, man' j'suis flic aux dernières nouvelles, j'aime mon métier. Arrête d'flipper pour moi, j'ai passé la trentaine : on coupe le cordon ? Désolé, je n'ai pas dormi de la nuit». Pas d’couille, exactement, plutôt pas envie de décevoir la seule personne qui croyait encore en moi :
« Fiston, c’est ton anniversaire, un vœu particulier à faire ? ». J’ouvrai la bouche prêt à répliquer lorsqu’elle apparut devant nos yeux, beauté intemporelle, est-ce que l’avoir, elle, pouvait faire office de vœu ? Mon adorable mère intercepta un de nos échanges oculaires et décida d’enquiquiner son fils unique – à savoir, moi- :
« Tu la connais ? Elle est charmante » « Mam… » « Pas de « maman » qui tienne, allons la saluer ». Elle me traina à sa suite, qu’aurai-je pu dire ? Butée comme elle était.
« Vous êtes une amie de mon fils ? » Belle entrée en la matière man’, Oscar de la meilleure agression doucereuse.
« Pas encore » souffla-t-elle, un peu surprise. Pas mal la feinte, je l’en remerciai d’un signe de tête. Alors que ma mère se penchait à mon oreille pour chuchoter des mots forts encourageants :
« Tu as une touche ». Si tu savais, pensais-je. Maman : marieuse professionnelle. Meetic à elle toute seule. Diantre, quelle chance j'avais.
« Evidemment, vous vous joignez à nous. Ce soir, c’est jour de fête » chantonna ma mère, joviale, un peu trop pour le coup.
« Me joindre à vous pour fêter quoi ? » « Les 33 ans de Calhoun ». Un sourire fendit son visage, des fossettes vinrent capturer ses joues, les pommettes saillantes lorsque ma mère eut le dos tourné, dans un murmure telle une confidence, je pus enfin mettre un prénom sur son minois :
« Enchantée loin de là, Calhoun, moi, c’est Sicillia Génova » en me coupant la chique, elle ajouta :
« Je sais, ce sont deux région d'Italie. Ma mère doit être aussi extravagante que la vôtre ». Touchée, coulée, dissoute par les sels marins, l’embarcation Whitefield. RIP.
« Mon fils était un sacré polisson jusqu’à l’âge de treize ans, il passait son temps à créer des « pièges à cons » comme il s’amusait à appeler ses inventions farfelues ». Merci, maman, intervention très très très UTILE. Gêné, je peinais à poursuivre la découpe de mon steak.
« Vraiment ? C’est étonnant, il a un air si grave collé à son visage. On ne serait jamais amené à penser qu’il lui arrive de s’amuser » « Il s’est calmé depuis la mort de son meilleur amis. Avant, c’était un véritable bout en train. Jamais sobre ». Je serrais la mâchoire, n’appréciant guère qu’on évoque devant moi un épisode marquant de ma vie, devant elle, aussi.
« Oh… » Oh ? Quoi « Oh » ? Je n’avais pas besoin de sa compassion. Merde, sérieux.
« Pour tout à l’heure… » « Ne vous fatiguez pas » crachais-je, le nez enfouie dans le col de mon caban. Nous marchions côté à côte dans les rues vides d’hommes. J’avais été désigné comme « celui qui se devait de raccompagner la séduisante brunette » alors, j’avais obtempéré.
« Si, j’ai remarqué que vous vous étiez rembruni » « Pas étonnant, j’n’aime pas trop qu’on parle de ma vie privée devant des inconnus » m’emportai-je, regrettant aussitôt :
« Navré », soufflais-je. Un sourire en coin, elle me fit comprendre silencieusement qu’elle comprenait.
« Vous faites votre effet » Hein ? Je me tournai dans sa direction, les yeux plissés : moi pas comprendre, actuellement.
« J’ai bien peur que ma lanterne soit H-S » avouai-je paumé entre la vision de ses lèvres et celle de ses yeux. Ses pommettes prirent une teinte pourpre tandis qu’elle esquissait quelques pas, vers moi. Sa main vint plaquer une boucle rebelle sur ma tempe. Le rapprochement soudain me fit l’effet d’un taser droit dans l’cœur. Etait-ce une invitation à presser ses lèvres ? Absolument, je ne me fis pas prier. Je le voulais, le désirais depuis si longtemps. Et puis, il fallait bien que je me décide à prendre le risque. Mon vœu avait été exaucé.
« Joyeux anniversaire, Calhoun ». Lacha-t-elle, pénétrant dans le hall de son immeuble. C'était la dernière fois que je la voyais en terre mexicaine, j'entends.
New York, 2010.« Génova ?» soufflai-je, surpris de la croiser, là, en plein milieu de la cinquième, des paquets pleins les bras : destin ? J'aurai juré que oui, destin, hasard, père noël même s'il eut existé !
« Sicillia Génova, s'il vous plait » lança-t-elle tout sourire. Je pense, sans trop m'avancer, qu'elle était particulièrement contente de recroiser ' l'emmerdeur vicieux et pervers ' que j'étais ( et que je suis présentement). Nous nous rapprochâmes si bien que nous entamâmes une relation à longue durée, fiançaille et appartement trois pièces en suppléments, oui. Incasable le gars, casé j'étais ( et je le suis présentement mais les choses sont plus compliquées).
«Inspecteur Whitefield, dans mon bureau » j'arquai le sourcil, matinal le capitaine, il y avait anguille sous roche, une bonne grosse anguille.
« Asseyez-vous, on doit causer de votre nouvelle affectation » « A ce propos...» « San Francisco accepte votre mutation, votre statut de consultant va être levé, nous vous proposons de commencer votre nouvelle mission dès aujourd'hui. Vous avez reçu le dossier ?» Si j'avais reçu le dossier ? Les deux cartons pleins à craquer pesant chacun une bonne dizaine de kilos ? Affirmatif, des papiers décoraient ma chambre à coucher si bien que Sicillia perdait son sang froid :
« Je l'ai même étudié » crachai-je, pas vraiment enthousiaste : protection des témoins, pas vraiment excitant, un peu routinier et parfaitement obsolète.
« Vous avez tout lu ? Vos précédents collègues ont été tués...» justement, c'était bien là , la partie qui m'ennuyait :
« Exact il faut bien qu'on meurt de quelque chose, j'fume beaucoup : pas encore de problème aux poumons mais on peut y remédier en étant la cible direct d'un ponte » m'enquis-je sarcastique à souhait. Les traits du vieil homme se durcirent :
« Ce n'est pas amusant, inspecteur WhiteField » « Croyez-moi, là, je relativise» « Vous êtes prêt ? » « Pourquoi retarder l'échéance ?» . Le soir même, je faisais la rencontre de la catastrophe,
Emilia X Church , Maitre Church. Point noir dans mon horizon, raison pour laquelle je suis là, en Arizona à jouer aux couples modèles. Le reste, mes amis, vous l'apprendrez tôt...plutôt tard.
Mais qui sans amour existe ? .