Connard névrosé. La haine suinte au fond de mes prunelles. Le regard que je lui adresse se tinte de provocation et d'insolence. Sur son visage, je peux aisément lire la colère. La détresse aussi. J'aurais pu lui trouver mille excuses. Je m'y refuse pourtant, l'encouragement silencieusement à réitérer l'expérience. Il semble las tout à coup et baisse enfin cette main menaçante qui trouve rapidement refuge dans sa poche. Son œil m'observe et, soudain méprisant, crache à mes pieds avant de quitter la pièce. Immobile, j'attends qu'il disparaisse. Je sais qu'il ne réapparaîtra pas. D'une main tiède, je frotte alors ma joue tuméfiée. Je sais qu'elle ne me posera pas de questions. Les fils, elle connaît. Les hommes, aussi. Ces bêtes hommes qui aiment tant rivaliser avec leurs paires et se jeter à cœur perdu dans quelques duels de force. Et puis, quoi de plus normal qu'un fils d'armurier jouant à la bagarre avec quelques potes abimées par la monotonie d'un univers doré ? Ouais... Aux yeux de tous - y compris aux miens - je ne suis qu'un gamin que la vie a gâtée et qui, bien sûr, ne possède nulle raison de se plaindre.


Dans un silence, je confie l'objet aux bons soins d'une douce peau de chevreuil. « T'es un beau connard, Lowths. » Là, je souris. Sourire discret. Sourire amusé. Longuement, le mutisme s'empare de mes cordes vocales alors que la pièce - d'une valeur incommensurable - atterrit précieusement dans mon sac. « C'est quoi ton truc ? T'as un don pour tomber sur les cons, ou quoi ? » Toujours souriant, une pincée d'innocence sur les traits, je relève enfin la tête, glissant mon sac dans mon dos. Indifférent, j'adresse à l'homme une œillade mystérieuse. Le talent, ça ne s'explique pas. Et puis, Castiel n'avait pas tort... Parmi les collectionneurs que je fréquentais s'accumulait un ramassis d'abrutis qu'il m'était parfois même difficile de supporter. Mais je ne me plains pas, ces idiots - bien plus que les autres - sont mon gagne-pain. Mieux, ils participent à cette gloire facile dont je m'entoure. « Et attends, tu sais pas la meilleure ? J'ai déjà un acquéreur... » finis-je par répondre, un rictus moqueur coincé au coin des lèvres. Castiel lève les yeux au ciel et, pour une fois, garde le silence, sans s'inquiéter du prix de rachat. Il le sait désormais, je ne répondrai pas. Finalement, j'adresse un dernier regard à l'homme puis quitte les lieux. Plus tard, l'objet atterrira sur le buffet de mon salon. Je l'observerai alors longuement, sous toutes ses coutures, gravant précieusement ses traits dans ma mémoire. La statuette m'apparaitra ensuite affreuse et je n'aurai enfin de cesse que de l'ignorer. Et, ce soir-là, l'objet ne saura pourtant quitter mes pensées. Svelte, élancée, séduisante, la demoiselle qu'elle représente trouvera son reflet dans mes souvenirs. Et alors, seul dans un lit immense, un sourire sournois apparaîtra sur mon visage. Ma mère, cette trainée, trouverait une fois de plus acquéreur. Son digne fils complétait son œuvre.


Exit les costumes oranges ; exit la malbouffe. C'est sans même un regard au gardien que je récupère mes effets personnels subtilisés quelques trois années plus tôt. « Ca ira ? » qu'il me demande d'une voix condescendante. J'esquisse un rictus malveillant et lui épargne sagement une pique désagréable. Vingt piges et ça croit avoir déjà tout vécu... En silence, je l'abandonne à ses illusions tout en me dirigeant vers la sortie de ce putain de trou à rats que je ne rêve que de quitter. Les portes s'ouvrent et se referment dans mon dos, tout en me déposant sur le trottoir. Le trottoir... Comme si je n'étais plus bon qu'à ça désormais. Plutôt crever. Pour l'heure, j'ai bien mieux à faire. Jouer à la pute du coin, c'est pas mon truc. J'achète, moi... Je ne vends pas. Enfin si, mais on m'a souvent dit hors de prix. A raison d'ailleurs. Nan. Là, j'ai autre chose en tête. J'ai la pire saleté de la terre à retrouver. Ça devrait pas être difficile. Elle empeste la traîtrise à des kilomètres à la ronde. Et quand bien même elle dissimulerait sa puanteur derrière quelques baumes trop onéreux, je n'ai qu'à suivre les cadavres désossés de sa déloyauté. C'est presque trop facile. L'hésitation m'ignore quand la haine s'intéresse de prêt à mon cas et se fait témoin de mon entreprise. Alors, je mets enfin un pas devant l'autre, sans même un regard en arrière. La taule, je m'en débarrasse, je la fous à terre et m'éloigne sans céder aux supplics de ces souvenirs qui ne seront plus jamais mon fardeau. Le boulet à la cheville, c'est fini. Terminé. Taulard, c'est plus dans mes cordes. De loin, je lui préfère le juge dont j'enfile la toge. Cette saloperie de costume d'audience qui m'a envoyé moisir derrière les barreaux. Soudainement, je change d'avis. Pourquoi s'encombrer d'une balance et d'un marteau quand la seule idée de vengeance suffit à mes dessins ? Rapidement, la robe noire s'en va crever elle aussi sur le trottoir. Un regard se pose sur moi et sur ma gueule de bagnard. Sans baisser les yeux, je l'ignore, fixant une destination inconnue. Je sais où je vais.
Exit les costumes oranges ; exit la malbouffe. Pas même Lizbeth n'aura à en souffrir.

que signifie le terme d'amour pour ton personnage ? → On va faire simple. Rhys, l'amour il connait pas et très sincérement, il s'en fou. Mieux, il ne perd pas même une seule seconde à le considérer comme superflu, niais, inutile. Non, il s'en carre, c'est aussi simple que ça. Pour lui, n'a de valeur à ses yeux que la rareté d'un tableau, d'une perle, d'une statue dont on sait la peinture ou la sculpture unique. Le reste n'a aucune sorte d'importance. Croyez-le, s'il pouvait passer la bague au doigt du Cri d'Edvard Munch, il le ferait sans hésitation.

quel est le statut amoureux de ton personnage ? → Rhys on essaie pas de lui passer la bague au doigt. La plupart du temps, quand on l'a eu dans son lit, ça suffit, on s'arrête là. Quelques unes s'y ont essayé pourtant... Celles qui ont seulement vu en lui un poivrot qui passerait rapidement l'arme à gauche en laissant derrière lui une montagne de pognon, par exemple. Manque de pot, Rhys n'est pas de ces hommes fascinés par la beauté précaire d'une jeunesse intéressée. Rhys : célibataire. Encore. Toujours. Éternellement.

quelles sont les préférences sexuelles de ton personnage ? → Honnêtement, vous l'voyez avec un homme ? Non ? Très bien, ça répond à la question, inutile de s'éterniser.

comment ton personnage se voit-il dans l'avenir, du point de vue amoureux ? → Bon, on va zapper l'histoire du point de vue amoureux, hein et on va s'intéresser au seul mot 'd'avenir', parce que très franchement, il me sera difficile de vous répondre quant à l'avenir sentimental d'un homme qui se carre complètement de tout ce qui se rapproche de prêt ou de loin à l'amour. Donc ! Monsieur Rhys, dans un avenir - qu'il espère proche - pense bien avoir droit à sa petite vengeance. Sorti de prison depuis peu avec pour seule compagnie son incommensurable rancune, Falcon n'a finalement qu'une idée en tête : retrouver la traînée qui l'a envoyé en taule et lui faire payer ces trois années pendant lesquelles sa boutique a pris la poussière. Cela fait, il avisera.