Elle virevoltait silencieuse, gambadant sur les rebords de la rivière Gila, sans se soucier des personnes qui pourraient la voir. Car évidemment, toi, tu la voyais. Gamin innocent vivant dans la vieille caravane qui se trouvait quelques mètres plus loin, tu épiais silencieux cette créature flamboyante qui sans gêne aucune était à demi-nue, prête à sauter dans la rivière, gelée à cette époque de l’année. Elle fredonne une chanson qui n’est ni du Gainsbourg, ni du Saez, alors évidemment, tu ne connais pas et tu écoutes. On dirait un ange. Ou peut-être un démon. Un mélange des deux, qui sait ? Tu comptais partir, fuir comme un voleur après avoir remplis ton esprit d’image si singulière. Mais il t’a fait repérer, le con. Le rottweiler borgne se jette après l’écureuil qui passe non loin de la jeune femme, tu pousses un juron dans ta barbe en avançant pour aller le chercher sans plus prêter attention à la rouquine. Ce n’est que lorsque tu reviens qu’elle semble avoir prit conscience de ta présence, pourtant, cela ne l’empêche pas de retirer ces sous-vêtements sans aucune pudeur devant tes yeux si chastes pour ensuite sauter dans l’eau.

« J’y crois pas. Comment un mec comme toi peut être aussi con. Sérieux, t’as vingt-quatre ans, sort toi les doigts du c*l. » Tu comprenais pas. Tu ne comprenais jamais. Voilà un an que tu connaissais Sandia. Elle était aux antipodes de tout ce que tu avais connu (certes, tu ne connaissais pas grand-chose), mais elle semblait venir d’un autre monde, créature céleste et avec un langage singulier, toujours à moitié dévêtu ou habillée de manière provocante. Elle était bien loin de ressembler à Madame qui, dans son tablier qui faisait ressortir ses bourrelets disgracieux, ressemblait plus à un cachalot qu’à une véritable femme. « Faut que t’apprenne la vie mon grand. J’peux te dépuceler si tu veux. » Même là, tu comprends pas. Tu soupèses son regard, cherchant une réponse. Si elle avait chanté du Saez, sans doute que t’aurais pigé le truc. Hors là, tu te contentes de répondre : « Mais j’ai pas de puces. » Crétin.