que signifie le terme d'amour pour ton personnage ? → tu n'as jamais réellement connu l'amour. ni celui de tes parents, qui t'ont abandonnée, ni celui de ta grand-mère, qui te rejetait sans cesse, te considérant comme un fardeau pour elle. et tu es trop éloignée de la vie réelle pour fréquenter les autres. aussi, tu n'aimes rien, parce que tu ne sais pas comment aimer et te faire aimer.

quel est le statut amoureux de ton personnage ? → il y a peu, tu t'es liée à un homme que tu connais depuis peu de temps, juste comme ça, pour t'amuser. enfin non, pas tout à fait pour t'amuser. mais tu sais que tu ne pourras jamais avoir mieux que ce garçon au prénom étrange qui déblatère à longueur de journée des théories foireuses.

quelles sont les préférences sexuelles de ton personnage ? → n'ayant aucune expérience, tu ne peux pas te réclamer de l'un ou de l'autre bord. par convention, tu préfères dire que tu es hétéro'.

comment ton personnage se voit-il dans l'avenir, du point de vue amoureux ? → tu imagines aisément que tu seras toujours mariée à... à ton mari, oui oui, à ton mari. c'est sûr qu'en ne vivant pas ensemble, vous ne risquez pas de vous gêner, donc pas de disputes et pas de divorce. donc oui, dans plusieurs années, tu seras sans doute toujours mariée.

Ton archet danse sur les cordes en crin, la musique entraîne la petite fille devant toi. A ses chevilles, de fins grelots accompagnent chacun de ses mouvements, tintinnabulant en rythme. Autour de vous, réunis en cercle, les hommes frappent dans leurs mains et chantent un vieil air en yiddish. Les sonorités dures, âpres de la langue résonnent à tes oreilles, te ramenant à Kazimierz, le quartier juif de Cracovie. Tu n'y es jamais allé, mais la description qu'en a fait ta Bʼábʻ te donne l'impression d'avoir toujours connu le petit bout de ville. Et tu sais que quelque part, tu viens de là-bas, comme la plupart des personnes présentes ce soir. Tous immigrés, tous frères et soeurs, les liens du sang en moins, tous chassés par la misère de votre pays natal, tous attirés par l'American Dream, vous aviez tous fini par vous casser les dents sur le capitalisme égoïste du nouveau continent, en venant même à regretter d'avoir quitté le l'and. Mais toi, tu étais née ici, sur les terres américaines. Tu n'avais jamais connu tes parents, trop lâches pour t'assumer et t'élever, ils avaient préféré délégué cette charge à ta grand-mère. Trop jeunes, trop insouciants, ils s'étaient laissés avoir par la vie, par le sale coup de pute qu'elle leur avait fait. Et au lieu de grandir, comme ils auraient fallu, ils avaient laissé dans la caravane de Bʼáb le nourrisson que tu étais alors avant de prendre la route pour un ailleurs qu'ils jugeaient meilleur. Tu ne leur en voulait pas et tu ne regrettais pas non plus. Les regrets ne servent à rien et la rancune gâche la vie, alors à quoi bon ? Quant à ta grand-mère, elle était suffisamment en colère contre sa fille unique, qui s'était cassé plutôt que de se prendre en main, qu'elle avait fini par reporter ses foudres sur toi, petite gosse qui n'avait rien fait de mal, à part être née. Finalement, pendant dix ans, elle t'avait élevée sans prendre de gants, en te faisant bien sentir à quel point tu la gênait, à quel point t'étais pas prévue dans sa vie. Tu t'en fichais pas mal, tu n'avais pas réellement l'impression de faire partie de la vie de cette vieille folle qui t'apprenait le yiddish comme s'il n'y avait pas d'autres langues au monde. Alors t'avais grandi, comme pousse une mauvaise herbe, biscornue, ni belle ni utile, juste destinée à emmerder le monde. Tu ne prêtais pas réellement attention à ce qui t'entourait, puisque ce qui t'entourait ne te prêtait pas beaucoup d'attention non plus. Rien ne t'intéressait à part ton violon, celui que ton grand-père avait emmené dans ses bagages pendant la guerre. Tu en jouais avec passion, passait de longues heures à apprendre, à te perfectionner, pour égaler un jour ce grand homme que Bʼábʻ te décrivait comme un excellent joueur. Il était mort peu avant ta naissance, c'était donc elle qui t'avait enseigné, t'accompagnant quelques fois de sa voix éreintée. C'était là les seuls instants où vous pouviez prétendre au titre de famille, d'ailleurs. Et puis elle était morte, elle s'était éteinte sans un bruit, dans son sommeil. Tu t'étais retrouvée seule au monde. Si les autres familles du camps t'appréciait pour ton caractère doux et ta jolie bouille, tu restais tout de même la petite bâtarde sans parents. Personne ne voulait de toi et tu avais préféré rester dans la caravane de Bʼábʻ, toute seule. Et un jour, pendant une éclipse, tu avais oublié l'un des rares conseils que t'avais donné ta grand-mère, tu avais regardé le Soleil. Tu le trouvais tellement beau, tellement lumineux que tu avais du mal à détacher ton regard de l'astre. Et lorsque l'éclipse avait pris fin, tu n'avais plus jamais rien vu. Il t'avait fallu du temps pour t'habituer à cette nouvelle façon de vivre. Déboussolée, tu ne savais jamais réellement où tu allais. Tu restais plusieurs jours prostrée dans ta roulotte, effrayée à l'idée de sortir et de te perdre. Puis peu à peu, t'avais fini par apprendre, tu savais par coeur comment ne pas te brûler les doigts sur les plaques chaudes de la gazinière, tu savais comment te déplacer pour éviter de te casser la gueule en sortant de ta caravane. T'avais fini de grandir, en te disant que personne ne voudrait de toi. Tu ne savais pas si t'étais jolie, les seuls souvenirs que t'avais de ton visage, ce sont ceux du visage que t'avais à dix ans, la dernière fois que tu t'étais croisée dans un miroir. Même toi, tu ne voulais plus de toi. Et puis il y a un fou, un véritable dingue, un homme qui veut de toi, sans vraiment être clair sur ses intentions. Vous vous êtes mariés, mais pour quoi faire, à quoi bon ? Vos alliances, c'est toi qui les a tressées avec les herbes hautes qui se trouvaient là. Vous n'êtes pas passer devant le maire, il n'y a rien d'officiel, mais c'est là tout de même, sans que lui ou toi sachiez vraiment ce que cela implique, que vous réalisiez dans quoi vous vous êtes engagés. Ni lui ni toi n'avez eu sous les yeux, pendant votre enfance, l'image d'un couple heureux. Bien sûr, c'est facile de rompre un lien fait de mauvaises herbes, mais parfois tu te dis que tu ne peux rien espérer de mieux que ce garçon largué, qui te raconte tout ce qui lui passe par la tête, pour le meilleur et pour le pire. Alors même s'il est un peu frappé, qu'il n'a jamais posé la main sur toi, te parle comme à une petite soeur, tu restes avec lui.