A cinq ans, tu n'es déjà pas une gamine facile, et ce n'est pas pour aller en s'arrangeant.Ta mère est serveuse, encore à son âge. Ton père ? Lui, c'est ton point de repère, ton modèle, ton dieu. Tu bois ses paroles comme du petit lait, tu l'admires, tu bénis le sol qu'il foule. Ouais, déjà à cinq piges tu sais ce que tu seras plus tard : tu seras comme lui, une aventurière. Et autant commencer tout de suite, pas vrai ? Ta maison ne se remettra jamais vraiment de tes conquêtes des hauts de placards et de tes expéditions sous les lits. Ta mère non plus, finalement. Ta vie est cool, t'es une enfant heureuse, comblée. Sauf quand il n'est pas là, quand il s'enfuit gravir tu ne sais quelle stupide montagne. Mais t’arrive encore à gérer son absence, parce que tu sais qu'il va revenir, qu'il n'est pas parti pour toujours. Il y a ta sœur pour t'aider à supporter le vide. Ta mère ne t'est d'aucune aide. Plus tard, tu te rendras compte qu'en fait, déjà petite, tu la méprisait déjà.
Et un jour, à la sortie la maternelle, on te balance la nouvelle sans détour. « Ton papa est mort, Enyo... » La suite, tu t'en fous. Tout ce que tu veux, c'est que cette femme se taise, qu'elle te rende ton père et qu'elle retourne d'où elle vient. Tu manque de te crever toi-même les tympans avec le hurlement furieux qui sort de ta petite bouche capricieuse. Le reste n'a plus d'importance, tout ce qui compte, c'est ce qu'on essaye de te faire croire : que ton père t'a abandonné, qu'il serait monté dans le ciel d'après ce que ta mère te dit. N'importe quoi ! Tous des menteurs. Tu refuses d'y croire, et à partir de ce jour, tu attends qu'il revienne, tous les soirs.

Bien entendu, il n'est pas revenu. Tout ce que tu as récolté en revanche, c'est un picolo de première catégorie, que tu entends vagir toutes les nuits quand il baise ta mère. A ce moment là, tu as seize ans. Ça fait onze ans que ton père a disparu, et même si maintenant tu te rends compte qu'il ne reviendra pas, tu ne te résoudras jamais à l'idée qu'il est mort. Tu préfères même imaginer qu'il a une autre famille, une autre femme, une autre fille, plutôt que l'éventualité qu'il ait disparu de la surface de la planète. Ton beau père est un ivrogne, un salaud incrusté dans votre existence pour la gangrener jusqu'à la moelle. Ta mère ne ressemble plus à rien, elle a même arrêté de travailler pour lui. Si tu la méprisais avant, à ce jour elle ne signifie plus rien pour toi. Ta sœur disparaît la plupart du temps, alors tu restes souvent seule chez toi, avec ta colère et ton envie grandissante de partir...

« Ah, Enyo tu es là. » Voix doucereuse, désagréable. Alourdie par l'alcool. Le beau père, dont tu as toujours refusé d'apprendre le prénom. Pure caprice d'enfant contrariée. Tu te retournes et tu le toises, sa vue t'écorche les yeux, t'arrache le peu de paix que tu as réussi à glaner aujourd'hui. Tu ne te fatigues pas à esquisser un sourire à ce connard, il ne le mérite pas. Son regard dérive de tes yeux à tes lèvres, pulpeuses, désirables. Il échoue dans le creux de ton décolleté, bien trop plongeant pour rester dans les limites de la décence. Comme si tu n'avais pas remarqué que tes attributs t'aidaient à obtenir ce que tu voulais. Ici et maintenant, tu te mets à regretter ton audace quand il s'approche de toi pour te souffler son haleine alcoolisée dans la figure. Charmant, vraiment. Ça t'étonne presque qu'il ait attendu tout ce temps pour te sauter dessus. Conditions favorables ? Peut-être que cette fois il est assez clean pour tenir debout. « Tire-toi ! » Il émet un rire gras avant de coller sa bedaine à ton corps. Te voilà dans une belle posture. « Ma mère... » « Ta mère rien du tout, ferme la et approche. » Deux grosses mains agrippent ton dos, pétrissent tes fesses tandis qu'il tente de t'embrasser. Le comptoir de la cuisine te bloque la route, c'est donc ton poing qui atterrit sur son visage qui te libère. Évidemment ça ne suffit pas, le salaud te rattrape et te serre d'autant plus fort, son souffle résonant désagréablement à ton oreille. La bouteille de vin posée sur la table apparaît comme une évidence, malheureusement pour lui. Le bruit du verre brisé sur son crâne aura à jamais la même sonorité dans ton crâne, c'est un son que tu ne pourras oublier. Ni la vision de son visage surpris, rougi par le vin et l'excitation. Tu t'échappes, tu te tires, loin de cette foutue baraque. Tu aurais du le faire depuis longtemps, qu'attendais-tu ? Peut-être que ta mère sorte de sa servitude, que tout revienne à la normal. A l'évidence, c'est un espoir vain. Alors tu t'en vas. Pas très loin, tu quittes juste Surprise pour Phoenix, embarquant avec toi la camionnette décharnée de ton beau père et toutes les affaires transportables. Ça lui fera les pieds. Tu ne sais ni ce que tu vas y faire, ni comment tu vas vivre. Tout ce que tu sais, c'est que jamais plus tu ne reverras ces pourris qui faisaient partie de ta vie jusqu'à ce jour.

« Il vous suffit d'un book, vous savez... » La bonne femme te regarde d'un air insistant. D'accord, mais qui lui dit que tu as envie de t'embarquer dans de telles histoires ? C'est vrai que tu as toujours su sourire devant l'appareil, faire de jolies mimiques pour plaire. Mais poser, réellement, en tant que modèle, ça t'as du mal à le concevoir. Finalement, il se trouve que tu tentes l'aventure, à faire la poupée devant l'objectif, belle comme un cœur du haut de tes dix-huit ans. On t'adore, on t'affiche partout. Tu découvres peu à peu que ton meilleur atout, c'est ton corps. Tu te crées un nouveau toi, un pan entier de ton existence disparaît de tes paroles. Tu t'inventes une vie, une vie parfaite, merveilleuse, dénuée de douleur ou de peine. On t'admire, on exauce la plupart de tes veux pour un battement de cils gracieux. Ainsi soit-il. Ambition croissante, besoin de faire les choses par toi-même, tu te dégotes toute l'aide dont tu as besoin pour ouvrir ta propre ligne de sous-vêtements. Pour l'instant, tu en es encore à les vendre, mais un jour viendra ou tu les commanderas tous, les vendeurs, les fabricants, les fournisseurs. Tout ce beau monde sera à tes pieds. Et avec un sourire béat aux lèvres, les yeux levés vers ton visage.

que signifie le terme d'amour pour ton personnage ? → Pour toi l'amour existe, bien entendu. L'amour de la nature, du risque, de la bonne bouffe. Mais l'amour au sens suprême, celui que tous ont envie de connaître, celui-là ne t'intéresse pas plus que ça. T'y comprends même rien, et t'as même pas envie d'essayer.

quel est le statut amoureux de ton personnage ? → Libre, ulta libre. Ton corps t'appartient, ton esprit aussi, même si tout le monde semble penser le contraire au moindre de tes sourires. Tu aimes leur faire croire que tu es à eux, les mettant ainsi sous ton joug, à ta mercie. Et tu aimes ça. Mais c'est tout, et ce sera souvent tout. Tu ne confierais ton cœur à personne.

quelles sont les préférences sexuelles de ton personnage ? → Les hommes sont les plus faciles à posséder, avec leurs regards suintant de désir lorsqu'ils admirent tes courbes. Ils te cèderaient leurs âmes rien que pour posséder ton corps le temps d'une nuit. Parfois, ça te sied, parfois non.

comment ton personnage se voit-il dans l'avenir, du point de vue amoureux ? → Tu t'imagines bien seule, en haut d'une boite énorme, les poches bien remplies, l'orgueil bien assis à tes côtés. Pas en compagnie d'un homme, ni même d'une femme.Ou alors, en haut du Mont Blanc, le soleil couchant devant les yeux, avec pour seule compagnie l'immense fierté d'avoir suivi ton père dans ta passion.