Je ne suis pas sorti hier soir – au contraire de Ice qui tardait à rentrer justement. Il est dix heures du matin et le savoir encore absent m’inquiète suffisamment trop. Ice m'avait parlé d'une soirée posée avant de s'en aller alors pourquoi suis-je aussi perplexe ? Je me suis levé sur les coups des huit heures, je me traîne encore en boxer. De toute façon je n'attends personne et dans le pire des cas, me faire voir aussi peu habillé ne me dérange pas. Je suis loin d'être pudique. Bien que je complexe sur ma maigreur, je m'en fiche des regards des autres. Si je regarde mon téléphone portable depuis que je suis debout – et que je me promène dans mon répertoire pour chercher les coordonnées de Ice, je ne l'appellerai sans doute pas.

Je me fumais une indus, le cendrier posé sur le haut du papier à queue tandis que mes doigts filent sur le clavier pour y manier quelques notes. Je suis posé, tranquille. Et je ne pense à rien d'autre à cet instant que la partition imaginaire que je souhaite écrire depuis plusieurs semaines. Mais cette pensée artistique est vite bouffée par une autre beaucoup plus tendue. Je devais faire une prise de sang et je savais pertinemment que celle ci allait me griller ! Je savais que le résultat positif à la coke ou même aux autres drogues douces allaient me valoir un passage au poste de police... Je laisse tomber mes mains sur mes jambes, l'envie de jouer disparaît soudainement. J'ai demandé à Lucy-Ann de se charger de mon cas, car je savais qu'à ses côtés j'aurai juste droit à sa colère qu'un envoi direct chez les flics. Malgré tout, je redoute sa fureur...je ne l'aurai jamais autant déçu de toute ma vie...Et ce point, je m'en veux énormément !

Je regarde mon portable, il est presque midi. La peur au ventre, j'en oublie ma faim du réveil. Je suis noué et écrase ma clope pour en reprendre une autre...en attendant. Je sais que d'ici quelques heures, la sonnette va retentir. Et que derrière la porte, je retrouverai Lucy, bouillonnante de rage à mon égard. Je sursaute d'un seul coup. J'entends la porte d'entrée s'ouvrir – sans même une alerte à l'intrusion. Mon teint devient pâle, presque livide. Les pas qui se pressent ne ressemblent en rien à la manière que Ice utilise pour marcher. Je devine dès les premiers instants que c'est Lucy-Ann car il y a en décalé le claquement d'une cane sur le sol. Et merde, dis-je à moi-même. Sa voix me parvient, tremblante, tendue...  « DAN ! T'es où ? Qu'est-ce que tu fous ? Et surtout...QU'EST CE QUE C'EST QUE CA ?»

Je te demande pardon Lucy-Ann, pour ce que tu ressens vis à vis de moi depuis que tu as découvert les résultats. Je sais que fumer quelques joints t’horrifie déjà mais alors là... J'espère aussi que Ice ne se décide pas à rentrer tout de suite à l'appartement. Car de une, je ne supporterai pas voir dans ses yeux une possible inquiétude vis à vis de ma nouvelle consommation bien qu'elle soit occasionnelle et deux, car les chances de s’entre-tuer avec sa cousine sont tout aussi plausible, alors non merci ! Je ne suis pas d'humeur. […] Je quitte mon poste de pianiste et embarque avec moi le cendrier et marche doucement vers la porte du salon pour sortir et longer le couloir principal de l'appartement pour rejoindre Lucy-Ann. Je vois la porte d'entrée grande ouverte. Je soupire doucement, me pince les lèvres et me presse pour la refermer. Je repasse devant la porte de la cuisine mais y pénètre cette fois.

Lucy-Ann commence a me déballer ses mots et je reste là, dans l'encadrement de la porte, comme si je crains de m'approcher d'elle. La meilleure solution est pour moi d'abord, de la laisser parler. Je ne suis pas fier, loin de là et le fait de la voir dans cet état à cause de moi me rend malade... Je suis un pauvre con, tout de même ! Non, je ne la prends pas pour une conne, bien que en agissant ainsi cela peut laisser deviner cette hypothèse. La voir elle pour éviter les foudres des gendarmes... Et elle met en avant son handicap : chose qui m'insupporte car cela a toujours le don de me faire culpabiliser... Je passe une main sur mon front et inspire profondément. « Arrête de crier s'il te plaît. » dis-je en même temps qu'elle gueule. Je sais déjà que cela ne va pas calmer, bien au contraire, mes dires ne vont pas attiser sa colère mais plutôt l'intensifier.

Quand je vais pour fixer ses yeux, je vois des larmes dans les siens, prêtent à se déverser. Mon cœur se serre. Putain que ça me fait mal ! Lucy-Ann s'effondre sur une chaise. J'entre dans la cuisine, tire une nouvelle latte de mon indus avant de l'abandonner pour m'asseoir en face de Lucy-Ann. Mes mains jointes, j'hésite à en avancer une pour attraper l'une des siennes. J'évite, d'abord. « Je te demande pardon Lucy. Je voulais pas te faire de mal, t'inquiéter de la sorte. » Une pause.  « Je ne t'ai jamais prit pour une conne et je le ferai jamais bien qu'en agissant aussi bêtement je t'ai trahis...» Une inspiration. Je ne la quitte pas des yeux. « Tu peux me traiter de tous les noms, me frapper si tu en as envie mais crois moi, on peut pas dire que j'ai commencé. J'ai juste tester Lucy...» Une pause. « Je savais bien qu'avec cette prise de sang on se rendrait compte de ma consommation. Oui, j'aurais put demander à un autre médecin pour te protéger et ça voulait dire que je vendais aux flics. Oui je le mérite mais j'ai agis de façon égoïste et je t'ai demandé. C'était une manière de te le dire, bien que pas la meilleure façon de l'avouer...bien que aussi j'aurai voulu te l'apprendre autrement...Je...je voulais te le dire après la prise mais je ne savais pas comment m'y prendre. » J'ose lui prendre la main.

« Je vais bien Lucy. Je t'assure. »

Je suis désolé du retard mais me voilà enfin !