J'aide Jolene à enfiler la grande robe blanche qui l'habillera tout au long de cette journée. Je suis excitée comme une puce, incapable de rester tranquille plus de dix minutes. Heureusement pour moi, j'ai pris soin d'avaler deux cachets de morphine pour atténuer la douleur de mes côtes, sinon j'aurais été infoutue d'assurer mon rôle de demoiselle d'honneur. Et ça, je m'en serais voulue à mourir. La jeune femme m'avait confiée à quel point le mariage l'angoissait, même si elle était ravie de pouvoir s'unir à Marlon. Et je me voyais mal lui poser un lapin et l'abandonnée face au maire. Je pense qu'elle m'en voudrait un peu, après coup, même si sur le moment, elle serait trop occupée à nager dans le bonheur avec son mari. Je m'arrêtais quelques instants, observant mon amie dans sa belle robe. Son visage rayonnait tandis qu'elle se regardait dans le miroir. Bêtement, je ne pus m'empêcher de sourire en voyant à quel point elle semblait heureuse de se trouver là, de flotter dans sa robe de mariée. Jolene était belle, belle naturellement, mais sa joie la rendait radieuse, lumineuse. Personne ne pourrait rivaliser avec elle ce soir. Du coin de l'oeil, je vis que dans la salle, tout le monde était prêt et attendait le couple. Je me penchais vers Jolene et lui murmurais à l'oreille un « c’est l’heure » tendu. Elle hocha la tête et se prépara à quitter la petite salle de préparation qu'on lui avait attribuée, à elle et à ses demoiselles d'honneur, dont je faisais partie. Je lui tendis son bouquet et attrapais le mien, me plaçant derrière Ráichéal. L'une comme l'autre nous tenions un bouquet à la main. Avec une profonde inspiration, Jolene se mis en marche et nous la suivîmes sagement, jusque devant le maire de la ville. Arrivées là, la blonde et moi nous placèrent sur le côté, observant la brune dans sa robe blanche, qui attendait impatiemment son futur mari. Il ne se fit d'ailleurs pas attendre et vint se placer à côté de sa fiancée, visiblement nerveux. Je connaissais mal Marlon, mais il avait l'air mal à l'aise. Tout aussi impatient que Jolene, sinon plus, mais stressé. Je l'entendis s'enquérir des bagues et quelqu'un lui fit signe que tout allait bien. Bien sûr que tout allait bien, ils allaient se dire oui, il n'y avait pas de plus belle preuve d'amour au monde...

Putain. J'voulais pas arriver pour la cérémonie. Ça m'a toujours fait chier ces moments-là, j'aime pas ça. C'est gnangnan, ça pue la rose et l'amour préparé. J'pensais arriver pour l'heure de la fête, manger des petits fours, en mettre quelques uns dans ma poche et repartir. Las, je m'assois au dernier rang, traînant Georgia avec moi. Quel con, n'empêche. Dans le journal, y avait écrit treize heures. C'est que donc, non seulement ils ont du retard, mais en plus le journal dit des conneries. Ben oui, j'suis pas invité à ce mariage, je sais même pas qui se marie. J'crois même ne connaître personne. J'étais franchement mal-à-l'aise. En plus, ce costume de merde me gratte. Je porte jamais de costard. J'aime pas ça. J'ai l'air d'un guignol, comme tout le monde. Y a quand même de belles nanas. Tu me diras, y a toujours de belles nanas à un mariage. Et j'étais d'ailleurs franchement surpris de l'effort fait par Georgia, niveau tenue et tout. M'enfin.

Balayant rapidement la salle du regard, je vis au loin Juliet. Pouffant dans mon coin, je réalise que ce mariage va finalement peut-être s'avérer marrant. Je reconnais Miléva, qui suit la mariée lors de son entrée, et je crois voir Alix aux côtés du marié, un peu plus loin. Ah oui, d'accord, ça va vraiment être marrant. Je soupire en observant les mines réjouies qui accueillent la princesse de la journée. La mariée a au moins le mérite d'être jolie. Je suis trop loin pour réellement voir le marié, mais j'm'en fous. J'suis pas là pour lancer du riz ou applaudir. Là, j'ai la dalle. Ça fait trois jours que j'ai rien mangé, j'crois. Je compte pas m'éterniser. Je dis bonjour, je fais chier Juliet et éventuellement Miléva, je prends un peu de bouffe et je me taille. Ça pue trop le bonheur, j'étouffe. Et bordel, ce costume me gratte vraiment. Je regrette limite d'être venu. J'aurais pu, comme d'hab, voler dans les sacs de courses des mamies ou taxer la voisine. J'fais habituellement pas autant d'effort. Mais bon, un peu de fantaisie ne semble jamais faire de mal.

WEDDING DAY

T'as le nez plongé dans ton bouquin, comme toujours. Calé contre un arbre, à l'ombre du soleil qui t'aurais vite fait passer de pâlotte à rouge écrevisse, t'es un peu lessivé par la matinée qui s'est déroulé, la vente au salon d'antiquaire t'as épuisé, frêle brebis égarée et tu te sens affreusement mal à l'aise dans cette robe, finalement, tu te dis que tu aurais du repasser chez toi et te changer avant de venir te prélasser ici. Puis finalement, tu te dis que t'as une certaine chance d'être fringué comme ça lorsque ta curiosité te pousse à te diriger vers le brouhaha ambiant. T'en avait entendu parlé, du mariage. Aucune idée de qui peut bien sceller une union aujourd'hui mais tu te dis que, au moins, à défaut de te rendre sociable, ton après-midi sera plus sympa que prévu.

Ce n'est pas vraiment dans tes habitudes, de t'incruster, mais tu n'en fais pas vraiment fît, depuis quelque temps, tu te dis que rien n'a plus trop d'importance dans le fond. Non, tu ne déprimes pas, tu cherches juste à tenter de nouveaux trucs à sortir légèrement des rangs et puis, au vue des ranger de chaises, tu ne risques pas d'être repéré parmi la foule qui s'y installera. Pourtant, malheureusement pour toi, sitôt que tu avances vers la rangée de chaise du fond, le talon de ta chaussure à la sublime idée de se coincé on-ne-sait-ou, te faisant trébucher sur les chaises sur lesquels tu te retiens, évidemment, non sans faire tomber ou bousculer quelques personnes et subir leur regard noir. Toi qui voulais pas qu'on te remarque, bien joué Smokey.

Si j’ai mis des jours à choisir la robe que j’enfilais à l’instant même, si je me suis levée vers six heures trente du matin pour honorer mon rendez-vous chez le coiffeur, ce n’était pas seulement en l’honneur des mariés. C’est un peu pour moi, mais surtout pour lui : Edwin. Paraît-il qu’il sera là. Paraît même qu’il sera bien accompagné d’après mon frère. La bonne blague. Je n’en doutais pas un instant. D’ailleurs, je craignais qu’il n’y vienne avec Jewell à son bras. Je ne survivrais pas à une nouvelle rencontre. Pourtant, je serai moi-même en bonne compagnie. J’ai choisi un cavalier renommé à mon cœur. Orphée n’était pas n’importe qui. Dès lors, assisse devant l’utile coiffeuse de ma chambre, je parfais mon maquillage en attendant mon chevalier servant. Ces derniers jours, nous nous retrouvons régulièrement. Je sais, ça ne mènera à rien. Les retours en arrière, les « plats » réchauffés, c’est toujours moins bon. Toutefois, sa présence m’est bénéfique. Elle est rassurante et c'est tout ce que j’y entends. Après ma rencontre avec la petite copine de celui dont je suis amoureuse – Dieu que c’est douloureux à admettre – j’avais besoin de me sentir belle et désirable aux yeux d’un autre et j’ai choisi mon ex. Finalement, c’est tellement facile que cela en devient presque prévisible. Alors, aujourd’hui, devant tout ce beau monde, devant la moitié de notre communauté, nous allions, lui et moi, jouer aux parfaits petits couples. Nous serions élégants, souriants, tout ce que nous attendions de nous au préalable.

En arrivant, nous avons salué les quelques invités déjà présents, féliciter la famille du marié et embrasser nos plus proches copains quand, un coup d’œil sur l’assemblée me confirma que j’étais arrivée avant l’objet de ma convoitise. A défaut, j’ai reconnu la supposée Juliet Parker, la famille Gumblesson, Orion – l’ami d’un ami qui m’a fourni en drogue il y a longtemps – et ma meilleure amie venant tout juste de trébucher en rangeant des chaises trop nerveusement à mon goût. « Regarde. Ziggy est là-bas. On devrait aller s’installer près d’elle ? » proposais-je à Orphée sans qu’il ait le temps de me répondre. Marlon venait de faire son entrée. La mariée allait arriver. J'ai donc tirer sur le bras de mon acolyte pour nous installer sur les premières chaises libres à notre disposition. Puis, j'ai scruté l’entrée pour contempler Jolène dans une robe magnifique. Elle lui allait à merveille et contrairement à ce que j’aurais cru, j’ai été touchée par cette saine nervosité émanant des deux mariés. Alors, la musique retentit. Les demoiselles, toutes plus ravissantes les unes que les autres, s’avancèrent les premières. La cérémonie débutait et moi, dans la foule, je ne cherche que lui. Lui et sa cavalière mystère.

le mariage de jo' et marlon

Mariage. Lon répugnait ce mot. Il l'exécrait et le méprisait. Marié, c'était un terme qu'il avait définitivement banni de son cœur et que son esprit tourmenté avait savamment privé de toute valeur tant moral que sentimental. Depuis son propre mariage, il n'avait plus assisté à aucune de ces cérémonies qui, à ses yeux, transpiraient d'hypocrisie alors même qu'elles vantaient la sincérité. Quant à l'amour, il était assez bien placé pour savoir que celui-ci n'avait nullement besoin de s'étaler devant ces foules exaltées, stupidement hébétées. Bien au contraire. Aussi, c'est à contre-coeur que l'homme traîna les pieds jusqu'à l'immense salle des fêtes qui accueillait ce mariage. Le visage maussade, les traits tirées par la fatigue, il débarqua avec toute la discrétion que lui permettait le mystère surprenant qui l'accompagnait. Pour l'occasion, Lockhart avait ressortit un costume qu'il n'avait pas enfilé depuis prêt de trois ans. Un costume déjà trop grand qui trahissait aisément les kilos que chaque nouvelle année auprès de son épouse lui volait. Pour lui, voilà tout ce qui attendait ces deux jeunes gens - qu'il ne connaissait ni d'Eve, ni d'Adam - alors qu'ils se présentaient aux porte de l'Enfer, l'un en complet noir, l'autre en robe meringue. S'il s'écoutait, l'homme irait immédiatement trouver ces deux jeunes gens pour leur expliquer l'effroyable erreur qu'ils s'apprêtaient à commettre. Mais Lon se doutait qu'un tel comportement serait quelque peu... déplacé, vu les circonstances. Non. Pour une fois, Lockhart resterait sagement à sa place et garderait précieusement sa langue dans sa poche. S'il était là, c'était pour Alix et uniquement pour elle. S'il était là, c'était pour lui prouver sa bonne foi et commencer à tenir ses promesses. Sans nul doute s'approcherait-il un instant des jeunes mariés pour leur adresser quelques félicitations factices, mais pour le reste... Lon ne serait pas de ceux qui, une fois la cérémonie terminée, se trémousseraient sur la piste de danse. Il ne serait pas de ceux qui, gourmands, dévoreraient le hors d’œuvre. Il ne serait pas de ceux qui, l’œil baladeur, sortiraient leur portefeuille pour voir la mariée remonter sa jarretelle. Et, qu'on se le dise, Lockhart resterait précieusement à l'écart des fonds de bouteille. Marié dans l'année ? Très peu pour lui. Une fois lui avait suffit.

Au départ, il était convenu que je sois accompagnée d’Orphée pour aller à ce mariage alors que j’ignore jusqu'a l'identité des futurs époux. Pourtant, il décida, à la dernière minute de m'abandonner lâchement pour s’y rendre avec son ex qui, en outre, est ma cousine. Rien que ça. Cerise sur le gâteau, il ne m’a donné aucune réelle explication! Comment devais-je le prendre d’après vous ? Mal évidemment. Il m'a clairement... irrité, frustré même. Je ne sais trop pourquoi d'ailleurs, peut être à cause de la nuit que nous avons consumé ensemble, à cause de mon amour propre sali, taché. Il était hors de question que je n'assiste pas à cet événement et encore moins sans cavalier à mon bras ! A vrai dire, je ne connais pas plus que ça le mannequin avec lequel je compte m'afficher à cette sois-disante fabuleuse journée. J'ai rencontré Edwin pendant un stage de photographie où mon boulot était de le capturer sous son meilleur jour, son plus joli profil. Un vrai jeu d'enfant, cet homme a beaucoup d'atouts et son physique en fait partie. Accessoirement, mon rôle était surtout de supporter ses caprices et ses railleries incessantes. Néanmoins, il arrivait de temps en temps à m'arracher un rire ou une confidence. Il était le partenaire parfait pour cette cérémonie.

La météo était au beau fixe et ma robe colorée était parfaite pour cette température estivale. Edwin et moi venions tout juste d'arriver sur les lieux et je constatai très vite que les invités avait tous soigneusement choisis leurs tenues. Elles les rendaient tous plus beaux les uns que les autre. Toutefois, le chic et la classe indéniable de mon partenaire pour la journée surpassait largement les autres hommes. (a part le marié, bien entendu.) M’avançant au bras de ce charmant jeune homme dans l’allée principale, je scrutai l'horizon à la recherche de visages familiers. Mes yeux se posèrent directement sur Orphée et Sheena qui ressemblent à un vrai petit couple. Quelle ironie. La soirée promettait d'être fort explosive, d’autant que Ziggy, à l’autre bout de la pièce, ne manque pas à l’appel. J'esquissai un petit sourire forcé avant de chuchoter à l'oreille d'Edwin : " Tu es prêt pour cette soirée don juan ? Parce que je sens qu’on va s’amuser." Je lui montrai discrètement d’un geste de la tête les deux tourtereaux roucoulant sur un banc. Je ne sais pas trop quelle réaction je devais prévoir quand Orphée me verrait là. Après tout, il n'avait aucun compte à me rendre, je ne suis pas sa petite copine, juste sa meilleure amie. Mais s’il pense pouvoir m'utiliser quand bon lui semble pour me jeter par la suite, il se met le doigt dans l'œil. Je compte lui faire amèrement payer son comportement envers moi. Trêve de bavardage. La mariée rejoint l’heureux élu. Je ne les connaissais pas mais, ils ont l’air de bien se compléter, d’être le ying et le yang, l’équilibre parfait.

le mariage de jo' et marlon

Immobile dans un coin de la salle, Lon tentait de se faire discret. Difficile. L'homme était amaigri et ses yeux trahissaient aisément sa fatigue, mais le costume qu'il avait enfilé pour l'occasion soufflait sur sa silhouette éteinte une voile d'élégance et une distinction à laquelle lui-même n'était pas habitué. A cela s'ajoutait ce charme qu'on lui connaissait, ce regard mystérieux et cet obscur danger qui ombrait chacun de ses traits. Aussi, passer inaperçu dans ces conditions se révélait être une tâche presque impossible et le professeur ne pouvait alors qu'ignorer les regards qui se posaient parfois sur lui. Profondément indifférent à l'animation et aux vœux que ne tarderaient pas à échanger les futurs époux, Lon ne chercha pas même à distinguer Jillian parmi la foule. Celle-ci saurait certainement le retrouver dès ses obligations de demoiselle d'honneur terminées. Pour l'heure, seule comptait sa réserve qui, déjà, montrait ses limites. L'ambiance était au comble de sa bonne humeur et, devant cet étalage nauséabond de bons sentiments, Lockhart s'interdisait presque de retrousser une narine qui témoignerait alors aisément de son dégoût profond. Dire qu'il n'avait pas hésité une seconde à répondre à cette invitation par l'affirmative... Désormais, il le regrettait presque. Son malaise était palpable. Sa présence - si charismatique soit-elle - n'attirait aucun curieux alors qu'il torpillait du regard tout ceux qui auraient le malheur de s'intéresser à lui. Aucun doute, Lon ajoutait à cette cérémonie une délicieuse touche de macabre que seule l'arrivée d'Alix pourrait - peut-être - atténuer. Une hypothèse qui ne saurait tarder à se vérifier tandis que la délicieuse O'Donnel perçait les foules pour rejoindre un principal soudain intéressé. Celui-ci ancra son regard sur la silhouette de la jeune femme, goûtant à sa beauté délicate avec un sursaut de soulagement. La seule et unique personne capable de le comprendre et de le déchiffrer était là. Enfin. L'homme accueillit la demoiselle avec un simple sourire. Neutre. Faible. A l'image de son état d'esprit de l'instant. Seul son cœur répondit à son bonjour par un battement brutal contre sa poitrine, tandis que son rictus s'évanouissait devant les paroles sèches et directes que la jolie O'Donnel. Un sérieux troublant alors que son regard glissait momentanément sur la mariée. La mariée dans cette robe qu'il aurait volontiers découpé au cuter. La mariée dont le visage lui était familier et qu'il lui sembla reconnaître malgré la distance qui les séparait. Sans un mot, un sérieux dérangeant sur ses traits, il la suivit à l'extérieur, la moité de son esprit soulagée qu'elle n'expose pas leur proximité aux yeux de tous, la seconde luttant contre une mauvaise humeur tangible. De nouveau immobile, l'homme retira ses lunettes pourprées et offrit un regard emprunt d'amertume à celle qui venait de le décevoir. « Alors... Le mensonge pour me faire venir était une très mauvaise idée. » Le ton était perlé de ressentiments. Il ne précisa pas ses propos, conscient qu'elle saurait exactement ce dont il voulait parler.

J'écoute quasi religieusement le long, très long discours de Jolene. Debout derrière elle, tête baissée, je cherche dans ses mots une seule chose qui me fasse penser à Aloïs et à moi. Rien du tout. Le vide total. Il n'y a absolument rien qui me rappelle notre histoire, notre relation. Jolene parle d'amour, de changements positifs à ses yeux, elle parle d'engagement. Et rien ne m'évoque Aloïs, rien ne m'évoque moi, rien ne nous évoque. Je ne ressens rien. Et ça m'effraie, réellement. Parce que j'aime Alo', du plus profond de moi, malgré les coups, malgré les saloperies et les insultes qui fusent tout le temps. Je donnerais ma vie pour lui. Mais lui ? Qu'est-ce qu'il ferait pour moi, lui ? Il serait prêt à laisser tomber sa came, son pote Alekseï, ses habitudes de merde pour moi ? Il serait prêt à me demander en mariage, à me jurer fidélité, jurer de m'aimer jusqu'à ce que la mort nous sépare ? J'en suis pas certaine. Quand vient le tour de Marlon de prononcer ses voeux, je suis persuadée que jamais Aloïs ne fera ça. Il tient trop à sa liberté chérie pour la sacrifier sur l'autel de l'amour éternel. J'attends patiemment que Marlon termine, tout en triturant nerveusement le tissu beige de ma robe. Je sais pas ce que je fous là. Je sais plus, en tout cas. Même ma promesse à Jolene me semble maintenant dérisoire. J'ai rien à faire ici, c'est pas ma place. On devrait jamais demander aux filles malheureuses en couple d'être demoiselles d'honneur aux mariages des filles qui rayonnent de bonheur aux bras de leurs fiancés. Parce que c'est leur foutre une baffe monumentale dans la gueule tout en continuant de sourire niaisement. Je détournais la tête au moment de l'échange des alliances et m'efforçais d'ignorer le ton joyeux du maire qui proclamait devant toute l'assemblée réunie Jolene et Marlon unis par les liens du mariage. Allelujah mes frères ! Un "oh" attendri s'éleva de la foule de personnes. Je me mordis la lèvre pour ne pas envoyer valser mon bouquet et prendre mes jambes à mon cou. Non, il fallait vraiment que je félicite les jeunes mariés avant de partir. Parce que j'allais partir. Définitivement. Quitter le pays, même. Oui, retourner en Russie. Et tant pis pour ce qui m'attends là-bas. Tout le monde se lève et commence à quitter la salle pour se diriger vers le banquet dressé ailleurs. Je profite de ce moment pour me rapprocher de Jolene et la serré doucement dans mes bras. « C'était vraiment super ma chérie, toutes mes félicitations à toi et à Marlon, je suis sûre que vous serez très heureux ensemble. Enfin, vous l'êtes déjà... » Il faut que je me trouve une excuse potable pour expliquer mon départ... « Je suis désolée, Jo', je dois m'en aller, Aloïs a un problème et m'a textoter pour que je le rejoigne... » Ça me fend le cœur de lui mentir mais je suis persuadée que je ne lui manquerais pas. Elle est entourée des personnes qu'elle aime et qui l'aime. Non, vraiment, ça n'a pas d'importance que je parte. Je l'embrasse une dernière fois, adresse un petit signe à Marlon et m'éloigne rapidement. Dehors, je hèle un taxi et lui indique l'adresse de notre appartement. C'est fini, l'American Dream. Mais au moins, je pars avec des souvenirs sympa dans ma valise.

Si j’avais été heureuse de remarquer la présence de ma meilleure amie parmi l’assemblée, je regrettai aussitôt de l’avoir approchée. Elle me semblait encore plus morne qu’à l’habitude, plus maussade également. Je n’avais aucune idée de ce qui la tourmentait à ce point. Je lui aurais d’ailleurs bien posé la question, mais la marche nuptiale a retenti dans toute l’église. La foule, muée dans un même mouvement, s’est installée sur les premières chaises à sa disposition. Orphée et moi avons pris place au côté de Ziggy. De là, nous pouvions observer la mariée qui s’avançait à la suite de ses demoiselles d’honneur. Normalement, elle aurait dû retenir toute mon attention. L’éloquence de son discours également. Or, à la réponse de son mari, j’ai complètement décroché. Un couple, que ma jalousie jugeait mal assorti, happa instantanément mon regard. Il s’assombrit immédiatement.

Ma cousine, si chère à mon cœur, se pavanait au bras d’Edwin. Edwin qui, quelques jours plus tôt, m’a abandonné dans son couloir pour rejoindre sa petite amie étrangement absente à l’occasion du mariage de Jolene et Marlon. Comment avait-il osé me faire ça ? Il est à Phoenix une ribambelle de femmes. Pourquoi avoir choisi ma cousine pour me narguer ? Car c’est bien son intention. Au contraire, ils ne seraient pas installés devant moi, à bonne distance pour que je remarque ses manigances sans pouvoir m’y opposer d’aucune façon. J’étais outrée. Vexée. J’en détestai April qui, finalement, n’était qu’un pantin dans cette histoire. Elle ignorait tout de ma « relation » avec Edwin. Pourtant, je lui en voulais autant qu’à lui. Ses doigts, consentants prisonniers de ceux d’Edwin, me brûlaient la rétine et instinctivement, je serrai les doigts d’Orphée. Je les serrai aussi fort que j’avais mal devant ce spectacle désolant. Lui, il semblait tout à Ziggy. J’aurais même juré l’entendre l’appeler sans qu’elle ne daigne lui répondre.... Obsédée par Edwin, combien d’épisodes ai-je ratés exactement ? Qu’importe, j’y penserai plus tard. Pour l’instant, égoïste à souhait, seul m’importe le duo quelques sièges devant moi qui m’animent d’un flot de questions. Que suis-je censée faire maintenant que les mariés sont déclarés unis à la vie à la mort par l’homme d’Église ? Dois-je me lever et entraîner Orphée avec moi loin d’Edwin et April ? Dois-je, une fois encore, me jeter à corps perdu dans les bras de mon ex pour que se taise mon cœur écorché vif ? Je n’étais sûre de rien.

Alors, puisque la cérémonie solennelle s’achève sur des applaudissements, je profite du brouhaha ambiant pour me hisser jusqu’à l’oreille d’Orphée et lui glisser : « Tu étais au courant qu’April viendrait avec Edwin et tu ne m’as rien dit ? Et n’essaie pas de me faire croire que tu n’en savais rien parce que c’est ta meilleure amie que je sache. Et c’est une pipelette, elle te raconte tout j’en suis sûre. » Il n’en pouvait rien, mais j’en voulais à la terre entière. « Je vais faire quoi maintenant. » le suppliais-je alors du regard, réclamant de l’aide pour ne pas agir avec impulsivité quand, spontanément, j’aurais déjà arraché April des bras d’Edwin.

WEDDING DAY

Tu ne tardes pas à te sermonner d'avoir joué les curieuses et de t'être incrusté en toute impunité à ce mariage sitôt que tu croises Sheena aux bras d'Orphée. Tu ne tardes pas à imaginer les pires scénarios qui s'insinue dans ta petite tête. Et tu constates avec une certaine gêne que, finalement, cette "semi-séparation implicite" n'aura décemment fait souffrir que toi et que ces journées passé au bas de chez toi ne devait représenter pour lui que peu de chose. Impression qui, d'ailleurs, ne cessait d'être appuyé par la façon insistante que Sheena avait de s'accrocher à son bras comme s'il était une boué. Tout comme le couple qui arrive te serre lui aussi le coeur. Non pas à cause de l'homme - que tu ne connais absolument pas, même si tu observes du coin de l'oeil la réaction particulière de Sheena sans trop comprendre - mais plus à cause de la jolie brune. Oui, jolie, il faut le dire. Néanmoins, tu n'étais pas vraiment impatiente de la recroiser un jour vu les circonstances de votre pseudo rencontre. Et à cette seconde précise, tu regrettes encore plus d'être venu, sachant toute fois que tu ne partiras pas, pour n'éveiller aucun soupçons, ceci plus par fierté, pour tenter - vainement, avouons le - de montrer à Orphée que sa nouvelle situation ne te fait ni chaud ni froid. La bonne blague.

Puis, finalement, tu ne faisais plus attention à grand chose, tentant avec peine de laisser croire que tu étais heureuse de les voir. En vérité, voir Sheena et Orphée ne te dérangeait en rien. C'était les voir ensemble qui te dévastait d'un coup d'un seul. « Ziggy... » Le flot de sentiment qui t'envahis ne te laisse plus discerner l'amour de la colère, la tristesse de la déception et l'indifférence de la souffrance. Tu t'obstines comme une acharnée à fixer l'autel ou le couple de mariée - dont tu as vite apprit qu'ils se nommaient Jolene et Marlon - allait sceller leur amour. Jouant avec tes mains, tu finis par applaudir comme le fait toute la masse de personnes présentes sitôt que la cérémonie s’achève. Observant du coin de l'oeil, tu vois Sheena murmurer tu ne sais trop quoi à l'oreille d'Orphée et à nouveau, les scénarios s'enchaînent et malgré la tension palpable qui s'insinue entre tous, aussi bien toi, qu'Orphée et Sheena ou encore l'autre couple, tu préfères rester enlisé dans les idées que tu t'es faite, plongeant dans tes idées noires que tu avais réussis à écarter légèrement en t'éloignant de tous. Finalement, mieux valait rester chez toi. Finalement, t’isolant un instant, tu fis quelque chose que, sans doute, tu n’aurais pas vraiment du faire, cherchant dans tes contacts le numéro que tu voulais, occultant les autres. « Rhett c’est Ziggy. J’sais que je t’ai dit que t’étais le pire des cons mais t’es passé deuxième sur la liste et franchement … j’ai besoin d’un pitoyable soutient morale là, tout de suite. Alors ramène toi à la salle des fêtes, tu veux ? » Tu l’implores presque. Ce qui est pitoyable. Dans le fond, Rhett Hawtorn est bien la dernière personne que tu devrais contacter. Toutefois, avouons qu’il te changera irrémédiablement les idées. Et s’il n’y arrive pas, il parviendra toujours à t’énerver. Dans tout les cas, tu ne penseras plus au merveilleux petit couple que forme (ou plutôt ‘’reforme’’) Orphée et Sheena.